Je voudrais te gravir,
Offrir à tes coteaux le fracas de mes pas,
Soulager tes forêts de l’ombre du trépas.
M’oublier à ravir.
Je te vois, solennel,
Un village éperon, coiffure prosaïque,
En ton sommet niché. Dessous, la mosaïque
De tes champs éternels.
Tu dresses devant moi
L’insondable beauté de ce chemin de roc,
Sur ta pente saignée par un immense soc.
Je me sens en émoi.
Aurais-je le courage ?
Oui, de l’autre côté de ta masse charnue
S’étendent, ô voluptés, les béances des nues.
Ferais-je ce voyage ?
J’appréhende la marche
Qu’inexorablement me réclame mon cœur.
J’ai peur de trébucher, j’en hume les rancœurs.
J’ai tant besoin d’une arche,
Mais Noé est parti.
Il a déjà sauvé les être du déluge
Et de toute façon, cette idée de refuge
Pique comme une ortie.
Je suis le pèlerin.
Mes souliers sont lacés et j’ai un bon bâton.
Le temps est révolu d’avancer à tâtons,
Solides sont mes reins.
Oui, mont, je te rejoins,
Je te défie, heureux. Je veux goûter le miel
Au ciboire d’argent prodigué par le ciel
Où l’horizon le joint.
Je grimpe à ton zénith
Vu qu’il n’y a d’autre voie que cette ascension.
C’est un aller ardu, longue progression,
Où l’on n’arrive vite.
Mais je n’ai d’autre nord.
Voilà, j’aime déjà le flot de tes rocailles,
Tes épines acérées, tes flaques en écailles.
Me voici à ton bord.
Prépare-moi, veux-tu,
Un paysage d’or, vaste contemplation
Du chemin parcouru, béatification :
Le bonheur dévêtu.
Alors, j’embrasserai
Le creux de tes vallées, le moelleux de la terre.
Défait de mon fardeau, peine inutile, amère,
Moi-même, je serai.
Toscane, 2017