mercredi 24 avril 2019

Elle tombe...

Tocsin
Je jour entre en lassitude
Il ferme ses émois
Éteint ses fragrances

Tocsin
L'ombre guette
Féline
La proie l'ignore

Tocsin
Cet oiseau-là
Je l'ai su
Ne sera pas revenu

Tocsin
Le noir navire
Déploie sa grand voile
À l'orée du large

Tocsin
Se couchent les bêtes
Dans la terreur muette
Du lendemain de chair morte

Tocsin
Les enfants vont nu pieds
À l'appel des mères
Dans le bûcher de leurs rêves

Tocsin
Une chienne jappe
Ses canines rassasiées
Par la promesse d'un accueil

Tocsin
Tous ceux qui manquent à l'appel
Et que les rues appellent
À plus de solitude
Trépignent
Accablés

Tocsin
Rentre chez toi
Ferme l'huis, le volet
Laisse-la bien dehors
Celle que nul ne chérit
Mais que tous idolâtrent
Celle qui viendra
Chaque fois que tu seras prêt
À te passer d'elle
Celle pour qui sonne le
Tocsin

La nuit.

mercredi 17 avril 2019

Un rire

Je me couche.
Je cède à la fatigue de velours
Qui m'imprègne jusqu'au soupir.
J'abandonne la lutte
De la vie vécue en cette journée
Qui fut tant de fois éphémère.
Une vie de pas tranquilles.
Une vie de pensées futiles
Que je n'ai pas su nommer.

Je me couche et toi,
Tu ris.

Tu ris
de cette musique infinie
Que j'entends comme un
Premier babil
Déferlant sur l'improviste.
Un quiproquo qui s'excuserait.
Un tintamarre de silences
Entrecoupés de clameurs muettes.

Tu ris
De cette bonne pâte
Avec laquelle on fait les bras
Qui enserrent.
L'immensité d'un amour nu
Bien au-delà du regard des astres.

Tu ris
Et tes éclats
Ont la blancheur du soleil
Que les yeux espèrent.

Tu ris, enfin,
Et ma nuit
Se colore de ce rire vaste.
J'ai saisi dans mon poing
Ces échos triomphants
Et je les ai offerts
Au passant
Oublieux de ses songes.
Puisse-t-il y trouver
Une paix pareille à celle
Que tu me promets
Chaque fois que
Tu ris.

mercredi 10 avril 2019

Distance

Endormi ?
Je me pince.
Je me remémore à moi-même.
J'ausculte mes sensations et conclus à
Une totale et dévouée inadéquation au présent.
Le silence et ses avatars.

Imagine une île qui ne saurait pas
Qu'elle est île.
Ce n'est pas la mer qui est absente.
C'est l'île qui l'ignore.

Pourtant, je cherche.
Je fouille.
Je soulève.
Je déterre.
Mais bredouille.

Pourtant, j'entends la mer.
Je vois les vagues.
Je sens le vent salé qui s'agglutine
Et murmure mon nom.

Pourtant, je touche l'écho des mémoires.
Celle qui est assise, là. Maintenant partie.
Celui-ci, de passage.
Ceux-là, trop nombreux.
J'identifie chacun au son de son vide.
Mais je ne vois personne car je suis seul.
Les autres croient qu'ils sont là.
Ils n'ont pas tort.
Pourtant, si.
Donc, je ne les vois pas.

J'ai trop de moi devant les yeux.
Trop de doigts devant mes mots.
Empêchés.

Parfois, il y en a un qui passe.
Il s'échappe de la cage.
Il me nargue.
Il me sourit et je le lui rends
Bien.
Tout de suite, on s'entend
Bien.
Il ne sait pas comme il me fait du
Bien.
Je le remercie, il m'a réveillé.
D'autres sont là et je les réveille à mon tour.
Le dortoir silencieux s'anime.
D'abord, lentement.
Bientôt, la fougue.
Je les lis.
Je les écoute.
Je les écris.
Je les sème
dans le champ du poète.
Quel drôle de mot !

Maintenant, le silence à nouveau.
Noir.
Aveugle.
Sourd.
Retour à moi.
Cette île qui ne se sait pas île.
Jusqu'à ce prochain mot.
Ce prochain mot
Qui se souviendra de l'île
Et se fera mer.

mercredi 3 avril 2019

Abri de nuit

La nuit veille
Dans la maison
Opaque
Le silence des draps
Murmures des paupières
On est à l'abri

On a couché une serrure
Sur nos angoisses
Peurs lubrifiées
Pour mieux se couler
Dans la rigole de l'oubli
On est à l'abri

L'aîné est là
Et le cadet
Les absentes
Aussi
Dorment ici
Elle enfin
Repose
Du même abandon
On est à l'abri

C'est l'heure des dialogues
À voix basse
Messes
Conciliabules indistincts
Des claquements du réveil
Aiguilles inexorables
On est à l'abri

Froissements en apesanteur
De peur de réveiller
L'autre
Cherche ta place
Trouve ton profond
Creuse encore
Et jette au loin la terre des draps
Trop lourds
Ou au contraire
Trop éphémères
On est à l'abri

Pendant ce temps
Ils dansent
Dans la ferveur de ton sommeil
Ils rient de ta face de plumes
Et s'égosillent en cascade
Enfer
On est à l'abri

Puis, le vide
Gestes maladroits vers
Un oubli de passage
Une onde qui s'épand
Coulée de miel
La force du délice
Qui ne se refuse rien
On est à l'abri

Nuit
Perforation dans le jour
Par laquelle suintent des ivresses inavouées
On est à l'abri
Infiniment vulnérables