jeudi 7 septembre 2017

Pelouse

Qui de ciseaux n’a tranche d’enfin ?

Cryptogramme, bleu la faim.

Il n’est de soudain haut qu’en dessiner…

Sandale honore sur aviner.


Que je te pelouse, sonore ;

Que je te facile, faune l’aurore.

Qui ne fluette les sirènes

Quoi ? Qui ? Que ? Sereine.


Ô ma butine rouge, face,

Je n’ai d’autre diversifié si Horace.

Allons, jaune le versage :

Il me couvent d’un âge.


Auderghem, 2017


samedi 15 juillet 2017

La création

Tu as le pinceau, j’ai l’œuvre.

Ce n’est pas qu’elle soit grandiose, elle est, c’est tout.

Laisse-moi la contempler.

Il y coule la vie.

On devine le tracé du Styx en un firmament lacté.

Tu vois, il suffit de ne pas le suivre pour qu’il te mène à l’autre bout de toi, où tu n’es encore que le berceau innocent de tes inconsciences.

Tends la main, saisis cette poignée de poussière d’or qu’un saltimbanque a laissé couler de sa poche.

Étale ce nectar sur tes yeux et aime-toi !



Toscane, 2017


jeudi 13 juillet 2017

Ricotta

Le vent lourd porte à nos oreilles endormies le bêlement des moutons.
Troupeau de cloches aux mamelles repues, ils vagabondent leurs pensées sur d’autres sentes que les nôtres.
Un chien les accompagne, compère obstiné qui chaloupe ses ahanements.
Le soleil oblique maintenant ses rayons sur les coteaux toscans où s’égrènent les rouleaux de blé, marchandises promises à nos industrieuses faims.
Quand les doigts du fermier tissent les seaux de lait tiède, on sent monter dans l’air les souvenirs de terrasses ambrées et gourmandes.
Bientôt, la ricotta viendra clore ce débat entre l’homme et son lendemain.

            

                                                                                                            Toscane, 2017

mercredi 12 juillet 2017

Rose

Un cœur s’est niché dans les anfractuosités du songe.

Il perturbe l’insatiable gourmandise de l’éphémère.

Je le touche.

Il darde sur moi un regard de pourpre à la désolation presque fraternelle.

Il n’y a pas si longtemps, j’aurais crié.

Mais là, je cueille une étoile et la caresse de mes mots fragiles.

Ce n’est qu’un instant, fugace rébellion.

Ce n’est qu’un flirt avec le temps.

Je la cueille enfin, cette rose sans épines.



                                                                                                                    Toscane, 2017


lundi 10 juillet 2017

La vieille Volvo brune



Ce matin, tu n’démarres plus.

Ce matin, tu as disparu.

Les ans ont eu raison de toi.

Avec toi part une part de moi.


Je me souviens de nos voyages.

Ces instants partagés, sans âge,

Où nous avons conquis le monde,

Danseurs effrénés dans la ronde.


De toi, j’ai toujours été sûr,

Prêt à enfiler mes chaussures.

Par toi, me laisser emmener

Dans la confiance en mon aîné.


Tu ne manquais pas de vigueur.

Parfois, même, trop de rigueur.

Avec toi, y avait pas de mais

Quand tu me portais au sommet.


J’ai aimé ce temps-là, tu sais.

Une route où tout florissait

À l’ombre de ta silhouette,

Passé miroir aux alouettes.


Mais aujourd’hui, tu es partie,

T’as écrasé le champs d’orties.

Elles m’empêchaient d’avancer.

Libre, je le suis de danser,


D’aimer, tout, et de conquérir,

Sans ton accord venir quérir,

Cet univers de mes envies,

Le joyeux chemin de ma vie.


Merci pour tous ces kilomètres

T’as fait de moi mon propre maître.

Je me sens fort, je suis capable

Et, de l’univers responsable,


Veux arpenter la moindre sente

Qui fasse écho à mon entente.

Je suis l’archange déployé.

Jamais plus les ailes ployées.


Je ne veux pleurer ton départ.

Cette fois-ci, c’est moi qui pars.

Je suis mon rythme et mes pas,

Le monde me tend ses appâts.


                                                                                                                Toscane, 2017


samedi 8 juillet 2017

Mont

Je voudrais te gravir,

Offrir à tes coteaux le fracas de mes pas,

Soulager tes forêts de l’ombre du trépas.

M’oublier à ravir.


Je te vois, solennel,

Un village éperon, coiffure prosaïque,

En ton sommet niché. Dessous, la mosaïque

De tes champs éternels.


Tu dresses devant moi

L’insondable beauté de ce chemin de roc,

Sur ta pente saignée par un immense soc.

Je me sens en émoi.


Aurais-je le courage ?

Oui, de l’autre côté de ta masse charnue

S’étendent, ô voluptés, les béances des nues.

Ferais-je ce voyage ?


J’appréhende la marche

Qu’inexorablement me réclame mon cœur.

J’ai peur de trébucher, j’en hume les rancœurs.

J’ai tant besoin d’une arche,


Mais Noé est parti.

Il a déjà sauvé les être du déluge

Et de toute façon, cette idée de refuge

Pique comme une ortie.


Je suis le pèlerin.

Mes souliers sont lacés et j’ai un bon bâton.

Le temps est révolu d’avancer à tâtons,

Solides sont mes reins.


Oui, mont, je te rejoins,

Je te défie, heureux. Je veux goûter le miel

Au ciboire d’argent prodigué par le ciel

Où l’horizon le joint.


Je grimpe à ton zénith

Vu qu’il n’y a d’autre voie que cette ascension.

C’est un aller ardu, longue progression,

Où l’on n’arrive vite.


Mais je n’ai d’autre nord.

Voilà, j’aime déjà le flot de tes rocailles,

Tes épines acérées, tes flaques en écailles.

Me voici à ton bord.


Prépare-moi, veux-tu,

Un paysage d’or, vaste contemplation

Du chemin parcouru, béatification :

Le bonheur dévêtu.


Alors, j’embrasserai

Le creux de tes vallées, le moelleux de la terre.

Défait de mon fardeau, peine inutile, amère,

Moi-même, je serai.


Toscane, 2017


vendredi 7 juillet 2017

Navigation

Or, le navire avance,

Bateau ivre de ses envies.

Il tangue l’espérance,

Son moteur cahote la vie.


Le port abandonné

Trépigne au fond du souvenir.

On n’oit plus le cheval hennir,

La terre a tout donné.


Maintenant, c’est le large

Qui s’étend au coin d’une feuille

Comme une mûre que l’on cueille,

Un baluchon qu’on charge.


Je suis ce marin-là

Que la tempête n’effraie point.

Je tiens la rame dans mon poing,

Je ne me sens pas las.


Je n’ai pas besoin d’ancre.

Car, si une feuille déserte

Par devers mon cap est offerte,

Là, je jette mon encre.


                                                                                            Toscane, 2017


mercredi 5 juillet 2017

Les heures chaudes



Alors, le temps s’alanguit en fragments

De souffle. Il s’étire nonchalamment,

Sort de sa poche une invitation

À mettre nos vies en suspension.


Phoebus, marchant, en est à son zénith.

Les travailleurs s’abandonnent, ils gîtent.

La cause est entendue, l’œuvre s’arrête,

Autour de la table arrive la fête.


Le paysan remise sa peau tannée

Sous l’ombre tiède des roseaux vannés.

Le boulanger, aussi cuit que ses pains,

Le poète, à l’éternel calepin,


Le gendarme, sérieux sous son képi,

L’herbe, la mousse et même les épis,

Tout se met en congé l’après-midi,

Conscient du complot qui s’ourdit.



“Ô temps, suspends son vol”, a-t-on pu lire -

J’emprunte au poète un peu de sa lyre -.

Immobile, le monde attend la fraîche,

Soucieux d’échapper aux heures rêches.


Paupières closes, les vivants somnolent,

Polissent en songe leurs auréoles.

Les tuiles charnues des toits sacrifiés

Offrent le seul abri à qui se fier.


Et déjà, le prochain circuit solaire

Inquiète la pupille du pauvre hère,

privé de toit et d’ombre dans la plaine

Sur laquelle ses deux sabot peinent.


Pas de paix pour l’infortuné qui rôde

Au cœur incandescent des heures chaudes.

Seule la nuit pourra le soulager

D’avoir, hélas, tout du jour voyagé.



                                                                                                        Toscane, 2017


vendredi 9 juin 2017

Nuit de fusain

Tu es, nuit, le froissement d'un possible où l'inquiétude a toujours son mot à dire.
Inéluctable, tu ne te fais pourtant pas à l'idée de ce feu de paille qui embrasera ta voûte et la rendra impuissante à nous guider.
Tu es possessive.
Et tu sais qu'au fond, je t'appartiens.
Je t'attends comme on dévisage un paysage dans l'attente d'un surgissement.
Je t'espère avec la fragilité des orages hésitant à braver les nues.
Je te vénère pour les songes que saupoudrent tes murmures à mes oreilles nécessaires.
Je te déteste, aussi, pour tous ces sommeils ratés.
Parle-moi de tes promesses, nuit.
Que puis-je attendre au creux de ton velours ?
Que puis-je espérer qui me fera plus grand ?
Que puis-je vénérer hors le sable du temps ?
En attendant, demeure telle que tu es.
Je dessine ton portrait au fusain.
Je ne veux pas oublier qu'avant l'embrasement, règne le scintillement de tes milliers de feux.

mercredi 7 juin 2017

Les inendormis

 Ceux qui dorment ne sourient pas, ils vaquent.

Ils errent volontiers dans les festivités de la nuit.


D’ailleurs, qui les a invités à ce banquet de brumes ?


Dormez tranquilles, bonnes gens, d’autres veillent, qui tant voudraient festoyer à vos côtés.

Mais la table n’est pas dressée pour eux, les inendormis.

 Ils mangent sans appétit les heures sans rêves.


Et toujours sur leurs lèvres cette question : dormeur, où est-elle, cette lande brumeuse en laquelle se pâme ton âme ?

Faut-il une clé ?

Connaît-on un mot de passe ?


La sentinelle est implacable.


Alors, ceux qui n’ont pu venir au sommeil repartent.

Ils ne vaquent pas, eux, ils titubent.


Ils songent à ceux qui dorment.

Leur espoir en un repos de satin

s’écoule d’eux

comme une sève amère.


samedi 3 juin 2017

Et toujours

Et toujours ce même moment

où je me retrouve en tête-à-tête

avec la blessure de te savoir absente

quand tout mon être tend vers toi.


Et toujours ce vide que tu laisses

comme un lac qui se répand,

comme un soleil qui s’éteint

de trop pleurer ton départ.


Et toujours cette solitude

qui tambourine à mon âme

voulant me faire oublier que si je vis,

c’est par choix d’aimer la lumière.


Je ne sais pas ce qui me retient

de dérober en un geste de torero

les traces que tu laisses sur ton passage

chaque fois que mes pensées te happent.


Je n’aurais qu’à plonger les mains

dans le cosmos de mes souvenirs

pour y trouver, sous les gravats anthracites,

une émeraude que je chérirais à hurler.


Il y a toujours une empreinte de toi quelque part,

même si ce quelque part n’existe que

dans le brouillard de mes désespérances,

où n’attendent que hoquets de faiblesse

et rires de guenilles pour se repaître de mes gémissements.


La nuit a déjà jeté son voile

sur mes yeux cataclysmes ;

je ne vois que ce moment

où nos mains se sont lâchées.


Je voudrais oublier que tu es partie

et pourtant je suis là, cloîtré

dans une demi-existence puisque

l’autre moitié de moi est en errance.


Tu n’imagines pas la force de cet appel

vociférant pour plus de larmes,

telle une bête d’obscurité voulue par la main cagneuse

d’un diable trop content de lui-même.


Araignée de mes solitudes vespérales,

crache ton venin à la face de hébétude,

disloque la trame de mon corps

et délecte-toi de mes spasmes.


Oui, je te rends grâce, ma belle étoile,

de la joie que tu mitonnes patiemment

sous chaque battement de nos cils

au diapason de nos élans.


Mais sais-tu combien il m’est lourd

de porter ce fardeau de néant

quand de ton pas sans ombre,

tu me confies la garde de notre éternité ?


Sentinelle ricanante au murmure d’un soir d’été,

je vais et dessine d’un geste

ce qui sera, demain, une fête, une noce,

les retrouvailles de mon extase intérieure et de tes regards sabrés de feu.


Déjà reluit un soleil capiteux

sur la vigne de ce coteau précieux

où mûrissent, à flanc de sourires,

les émerveillements sublimes

dévorant nos angoisses et jetant une marée

 de roses sur la litanie du temps qui passe.


Nous sommes les promis d’un demain d’azur.

Nous avons posé nos doigts d’or sur la pourpre du bonheur.

Tu as planté en moi une telle férocité d’amour

que j’ai grand peine à retenir ma certitude

de submerger les passants distraits errants sur le chemin

d’une consécration que j’ai voulue,

comme toi,

immense.



Auderghem, 2017