Alors, le temps s’alanguit en fragments
De souffle. Il s’étire nonchalamment,
Sort de sa poche une invitation
À mettre nos vies en suspension.
Phoebus, marchant, en est à son zénith.
Les travailleurs s’abandonnent, ils gîtent.
La cause est entendue, l’œuvre s’arrête,
Autour de la table arrive la fête.
Le paysan remise sa peau tannée
Sous l’ombre tiède des roseaux vannés.
Le boulanger, aussi cuit que ses pains,
Le poète, à l’éternel calepin,
Le gendarme, sérieux sous son képi,
L’herbe, la mousse et même les épis,
Tout se met en congé l’après-midi,
Conscient du complot qui s’ourdit.
“Ô temps, suspends son vol”, a-t-on pu lire -
J’emprunte au poète un peu de sa lyre -.
Immobile, le monde attend la fraîche,
Soucieux d’échapper aux heures rêches.
Paupières closes, les vivants somnolent,
Polissent en songe leurs auréoles.
Les tuiles charnues des toits sacrifiés
Offrent le seul abri à qui se fier.
Et déjà, le prochain circuit solaire
Inquiète la pupille du pauvre hère,
privé de toit et d’ombre dans la plaine
Sur laquelle ses deux sabot peinent.
Pas de paix pour l’infortuné qui rôde
Au cœur incandescent des heures chaudes.
Seule la nuit pourra le soulager
D’avoir, hélas, tout du jour voyagé.
Toscane, 2017