jeudi 30 juin 2022

26 juin 2022

Les guêpes contenaient l'été tout entier, et il développait avec elles, à cause d'elles, de singulières aptitudes au sprint.


Voilà l'été
Avec les saisissements de ses lumières
Et les jeux d'ombre de ses feuillages.
Voilà l'été
Derrière l'écran noir des lunettes.
Voilà l'été
Qui dépose ses empreintes
Aussitôt évaporées.

Enfin l'été
Soupirent les enfants
Aux dents de pastèques.
Enfin l'été
Rêvent les instits
Sur le lit des dernières copies.
Enfin l'été
Murmurent les cintres
Dans le vent des robes légères.

Toujours l'été
Chantent les grillons
Au cœur des siestes.
Toujours l'été
S'imagine le marchand de glaces.
Toujours l'été
Se réjouit la ville
Qui se sent soudain plus légère.

À moi l'été !
Songe la guêpe
Malicieusement réjouie...


Les rituels liés à l'été

Au fond
L'été en soi est un rituel.
Des quatre saisons
Elle est celle qui languit le plus son retour.

Retour du petit matin
Où voyagent les bagages
Tandis qu'on est déjà là-bas.

Là-bas, où le jour se lève
Après les bruits des hommes.
Du moins le prétendent
Ces volets que l'on a clos.

Clos les yeux
Sur la chaleur du monde
À l'heure où se digèrent
Les tablées abondantes.

Abondante la moisson de fruits
Coupes de couleurs
Dont l'hiver ne voulait pas.

Pas lents dans la montagne
Sous le regard bonhomme
Des sommets inaccessibles, parfois.

Parfois quelques lignes seulement
Dictées par la colline
Et le champ de blé
Au poète qui se croit émerveillé.

Émerveillé le regard
Devant les perles glacées
Qui ornent les vins blancs.

Blancs les nuages
Auxquels on ne peut s'empêcher
De donner forme.

Formes multiples
De tous ces rituels
Qui bâtissent l'été comme
Patiente
La guêpe bâtit son nid.


9 vers de 3 (ou multiple de 3) mots de 3 lettres

Ici git été
Toi, moi, air. Pur, pas rot. Pas pet, non !
Ici git été.
Vin, kir bio... Zou ! Gag, rue, cri, mur. Nul !
Zut ! Mec, loi. Toc toc ? Pan pan cul cul !
Ici git été.
Jeu, jus, jet... Paf ! Nez : aie !
Lac, ode, roc, épi, âne, bzz...
Ici git été.


Étapes pour approcher, pour rencontrer quelqu'un en été

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Dès à présent, vous pouvez vous préparer.
Commencez, par exemple, par vous parfumer.
Ne choisissez pas une fragrance trop sucrée
Sinon les guêpes vont vous embêter
Et vous perdrez en efficacité.
Songez à comment vous habiller
Privilégiez les tissus légers.
Que choisir pour vous chausser ?
Peu importe, mais laissez vos pieds respirer
Au lieu de les laisser puer.
Évitez les crottes de nez
Mangez léger, pour ne pas roter.
La méthode complète va bientôt arriver
Mais avant, il faut payer.
Une fois votre carte de crédit encodée
Le montant sera débité.
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"Mais au fond, qu'est-ce qui peut faire changer le cours des vacances ?"
Faire la bande annonce des vacances de monsieur De Wit, qui tournent mal...

Il achète un billet de train et, légèrement distrait, il se rend à l'aéroport. Évidemment, il rate son train. Et c'est ainsi que commencent les vacances de M. De Wit.

Il s'assied à la mauvaise place et, quand le passager légitime lui réclame son siège, il fait son malin. Sauf que le passager légitime est un tantinet sanguin et bazarde sa valise par la fenêtre. Et c'est ainsi que continuent les vacances de M. De Wit.

Avec plus qu'une seule valise, il arrive à l'hôtel, tard la nuit. Enfin la chambre, enfin le lit ! Mais le pyjama est dans l'autre valise. Et c'est ainsi que s'acharnent les vacances de M. De Wit.

Il s'achète une nouvelle valise, ainsi qu'un nouveau pyjama et tout ce qui lui manquait quand il n'avait plus qu'une seule valise, et c'est alors qu'un agent lui rapporte sa valise qu'on a retrouvée le long de la voie. Et c'est ainsi que ricanent les vacances de M. De Wit.

Il peut enfin prendre un repos mérité, sur la plage, sous un parasol. Mais l'orage éclate et avec l'ui l'idée des doigts de pieds en éventail. Et c'est ainsi que s'effondrent les vacances de M. De Wit.

Il se réfugie dans l'hôtel, décidé à faire des réussites pour passer le temps. Mais une fois qu'il est bien installé, le soleil est revenu. Il retournerait bien sur la plage mais trop tard : elle est bien trop encombrée. Et c'est ainsi que se moquent les vacances de M. De Wit.

Alors qu'il est dans le jardin de l'hôtel, faute de plage, on prend du gazon, une guêpe vient le piquer. Naturellement, il est allergique. Et c'est ainsi que virent au cauchemar les vacances de M. De Wit.

À l'hôpital, il est soigné. Mais depuis son lit, il voit l'hôtel, où sont toutes ses affaires, ses trois valises et ses deux pyjamas, flamber comme une torche. Et c'est ainsi que sont cramées les vacances de M. De Wit.

Une fois guéri, il n'est plus le bienvenu dans l'hôpital. À l'hôtel non plus, forcément. Où va-t-il aller ? Levant les yeux au ciel, comme pour y trouver une réponse, il voit la météorite tomber. Et c'est ainsi que se terminent les vacances de M. De Wit.


Au revoir au lieu de vacances

Psst !
Soleil, pins, plages... à bientôt ?

Hé !
Thé glacé, tissus légers, nu pieds... à bientôt ?

Holà !
Pastèques juteuses, ronds melons, noyaux d'olives... à bientôt ?

Non, non, non !
Pressantes guêpes, à vous, non, pas à bientôt. À jamais, plutôt !

mardi 28 juin 2022

13 juin 2022

Le chemin rêve du bruit des pas sur son dos.
La montre rêve de s'arrêter de temps en temps.
Le siècle rêve de celles et ceux qui l'ont traversé.
L'arbre rêve du vent qui le fera bruire.
Le chat rêve et ça ne vous regarde pas !
La joie rêve de dominer le monde.


Développer un de ces rêves

Tic tac tic tac et tic et tac et que je te retic et que je te retac tic tic tic tic tac tac tac tac gnê gnê gnê ! Et c'est comme ça toute la journée ! Ça n'arrête pas ! Toujours sur la brèche. Je n'ai pas une seconde à moi. C'est bien simple, je ne vois pas le temps passer. Si j'avais une minute, je vous dirais bien mes 24 vérités (oui, je sais, c'est 36, mais que voulez-vous, je suis formatée H24, moi). Mais pour vous les dire, ces 24 vérités, en vérité, il me faudrait l'éternité. Qu'on me permette tout de même de pointer une aiguille sur un facteur clé de mon ras-le-bol : je demande instamment qu'on interdise les montres mécaniques qui se remontent toutes seules quand le porteur agite les bras. C'est mon cas, vous avez deviné. Eh bien ! C'est épuisant. On ne s'arrête jamais. D'autant plus dans mon cas, vu que mon maître est ouvrier dans le bâtiment, spécialiste du marteau-piqueur. Je n'en peux plus ! Même après le boulot, il continue à trembler. Et il ne m'enlève jamais de son poignet. Marre ! Oui, je suis remontée, je suis remontée !


Rêve d'un personnage (en l'occurrence, le poète Norge)

De quoi ça rêve, un poète ?
Est-ce que ça rêve de mouches ?
Est-ce que ça rêve d'enlèvements ?
Est-ce que ça rêve de peinture ?
Pour en avoir le cœur net, je me suis invité dans le rêve de Norge.
Ça commençait place Rouppe. Il y avait un camelot, un tram et une putain. Ah ! et un cornet de frites.
Je me suis assis à la terrasse du Quick, et il y avait là l'homme et la fille sur la petite roche. Ils étaient seuls au monde, et ils sont montés au paradis. Je les ai suivis. J'ai rencontré un homme dans les fourrés, une fille triste qui avait oublié de mettre de la moustache à son cœur, Aubin, qui cueillait des fraises dans les bois. Puis, j'ai appris qu'Elsa la mouche était morte. Deux minutes avant, elle suçait un coin de paupière d'un enfant qui piétinait les éternités. Il était tout petit, vous pensez bien, mais pas autant que la fourmi qui allait de cette branche à cette pierre. Je me suis demandé pourquoi ça n'avait pas plus d'importance. Alors, je suis entré dans ce qui ressemblait à un couloir d'hôtel, à cause de ses nombreuses portes. La première à droite était justement celle du songe. Mais je ne l'ai pas ouverte car elle donnait sur l'océan, sur des cloportes. Pas compris ? Sur le néant. Après ça, c'est difficile de vivoter. Alors, j'ai bu du vin profond en écoutant la musique des sphères.


Lettre écrite par Norge à son rêve qui n'est plus, afin de le retrouver

Cher monsieur,

Par la présente, je souhaite obtenir de votre part la faveur de vous rencontrer à nouveau. Le premier contact qu'il nous fut donné d'avoir a produit sur moi le plus incroyable effet : pensez-donc, je suis devenu poète ! Si, si, je le dois entièrement à vous, ne soyez pas modeste (je devine votre modestie entre mes mots).

Pourtant, force m'est de reconnaître qu'il vous sera impossible de satisfaire mon impérieux besoin de vous revoir, puisque vous n'êtes plus. Vous me direz que si vous n'êtes plus, à quoi bon écrire cette lettre ? Et vous avez raison. Aussi vais-je plutôt l'adresser à la petite putain du square, à la mouche Elsa, à l'homme et la fille sur la petite roche, à tous ces personnages que vous avez eu, autrefois, la bonté de me faire rencontrer. Soyez-en remercié.

Je vais leur adresser cette lettre à tous à la fois, car tous à la fois, ils sont ce rêve que vous êtes et auquel je m'adresse. Tous à la fois, il redonnent vie, à chaque instant, à celui que vous fûtes en cette nuit à nulle autre pareille où je vous fis. De cette manière, j'espère esquisser de vous une ébauche à laquelle je pourrai adresser ma lettre sans perdre d'emblée l'illusion de le pouvoir faire à cause de la connaissance que j'ai de votre non-existence. Me suivez-vous ? Car si tel était le cas, je pourrais alors me retourner et vous voir, tout absent que vous êtes, alors même que je vous sens intimement présent en moi au moment où j'écris ces quelques lignes, comme on écrit à un ami perdu.

Norge

10 mai 2022

 "Je fais souvent ce rêve" (d'après Verlaine) - Uniquement des mots masculins

Souvent, je rêve de lieux obscurs, profonds abîmes ou sous-sols ténébreux, chemins privé de soleil ou sombres recoins, dans lesquels tantôt je me perds, tantôt je connais de troubles instants, tantôt je débats, tantôt je m'attarde.

J'y croise des inconnus ou des visages familiers. J'y reçois des regards qui me font froid dans le dos ou m'apaisent le cœur. Parfois, je les arpente seul, dans l'effroi ou le calme. Souvent, je m'y plais et souvent je les abhorre. Mais toujours, de leur mystère je me sens pénétré, spectateur consentant de mon propre psychisme que j'étale devant moi délesté de tout pudique apparat.

Au réveil, alors, je sais qu'un fragment de mon propre mystère a trouvé son chemin vers mon être conscient, comme circulent, en le sang, ces éclats invisibles qu'on nomme globules.


"Le sommeil ouvre en nous une auberge à fantômes" (G. Bachelard).
Qu'y a-t-il dans notre auberge ? - Uniquement au féminin

Je connais une auberge à laquelle j'atteins chaque fois que la nuit s'empare de ma conscience. Ne me demandez pas la route pour y parvenir, car toujours elle change. Certaines nuits, d'ailleurs, je m'égare et n'y parviens jamais. Mais qu'elle ait l'allure d'une bâtisse paysanne, l'architecture d'une maison cossue ou tout autre configuration qu'on voudrait lui prêter, lorsque j'y entre, c'est comme en retrouvailles. Aussitôt la porte franchie, je reconnais là des figures familières. Je les cite à la volée : fêlures de vies passées, troublantes coïncidences, rencontres improbables, compagnies douteuses, présences moqueuses, mains tendues, âmes à l'écoute. Je déambule dans cette grande salle à laquelle je prête volontiers ici une cheminée crépitante. Tantôt l'on m'ignore, tantôt l'on m'interpelle. Quand je réponds à ces invites, je prends place à une table car une chaise m'y attend. La conversation peut être longue ou brève, animée ou tranquille. Et lorsqu'en vient la fin, je quitte cette compagnie pour une autre, avec la conviction que mes pérégrinations me mèneront sans faute vers diverses aventures dont je regretterai, parfois, la survenance. À l'heure venue, après les salutations qu'exige la politesse, je quitte l'auberge et me laisse emporter vers les minutes matinales, parfois nocturnes si l'insomnie me guette, où ma conscience éveillée m'attend.


Georges Sand nous écrit une lettre dans laquelle elle nous dit que jamais elle ne rêve de... Insérer "le repos de la nuit ne nous appartient pas".

Cher Manu,

Alors que résonnent les arabesques veloutées des Nocturnes de Frédéric, je réponds à l'irrésistible appel de la plume qui m'enjoins de te raconter l'étrange visite que je reçus hier.

Alors que j'étais plongée dans une agréable rêverie sur ma terrasse, réchauffée des rayons du soleil, savourant le confort de mon transat que j'avais enfin rattrapé, la sonnerie de la porte d'entrée retentit. Mon humeur soudain bougonne me précéda jusqu'à l'huis derrière lequel se tenait un barbu grisonnant. Il se présenta, disant qu'il s'appelait Gaston Bachelard. Je lui demandai ce qu'il souhaitait. Il avait à me dire une chose importante : le repos de la nuit ne nous appartient pas. D'ailleurs, dit-il, avez-vous déjà rêvé de Verlaine ? Non, lui dis-je. Voilà, dit-il, qui corrobore ma théorie. Et il me quitta aussi prestement qu'il était arrivé. Drôle de rencontre, n'est-ce pas ? Je te laisse, Carl Frédéric vient de se réveiller.

Gros poutou,
G.