mardi 28 juin 2022

13 juin 2022

Le chemin rêve du bruit des pas sur son dos.
La montre rêve de s'arrêter de temps en temps.
Le siècle rêve de celles et ceux qui l'ont traversé.
L'arbre rêve du vent qui le fera bruire.
Le chat rêve et ça ne vous regarde pas !
La joie rêve de dominer le monde.


Développer un de ces rêves

Tic tac tic tac et tic et tac et que je te retic et que je te retac tic tic tic tic tac tac tac tac gnê gnê gnê ! Et c'est comme ça toute la journée ! Ça n'arrête pas ! Toujours sur la brèche. Je n'ai pas une seconde à moi. C'est bien simple, je ne vois pas le temps passer. Si j'avais une minute, je vous dirais bien mes 24 vérités (oui, je sais, c'est 36, mais que voulez-vous, je suis formatée H24, moi). Mais pour vous les dire, ces 24 vérités, en vérité, il me faudrait l'éternité. Qu'on me permette tout de même de pointer une aiguille sur un facteur clé de mon ras-le-bol : je demande instamment qu'on interdise les montres mécaniques qui se remontent toutes seules quand le porteur agite les bras. C'est mon cas, vous avez deviné. Eh bien ! C'est épuisant. On ne s'arrête jamais. D'autant plus dans mon cas, vu que mon maître est ouvrier dans le bâtiment, spécialiste du marteau-piqueur. Je n'en peux plus ! Même après le boulot, il continue à trembler. Et il ne m'enlève jamais de son poignet. Marre ! Oui, je suis remontée, je suis remontée !


Rêve d'un personnage (en l'occurrence, le poète Norge)

De quoi ça rêve, un poète ?
Est-ce que ça rêve de mouches ?
Est-ce que ça rêve d'enlèvements ?
Est-ce que ça rêve de peinture ?
Pour en avoir le cœur net, je me suis invité dans le rêve de Norge.
Ça commençait place Rouppe. Il y avait un camelot, un tram et une putain. Ah ! et un cornet de frites.
Je me suis assis à la terrasse du Quick, et il y avait là l'homme et la fille sur la petite roche. Ils étaient seuls au monde, et ils sont montés au paradis. Je les ai suivis. J'ai rencontré un homme dans les fourrés, une fille triste qui avait oublié de mettre de la moustache à son cœur, Aubin, qui cueillait des fraises dans les bois. Puis, j'ai appris qu'Elsa la mouche était morte. Deux minutes avant, elle suçait un coin de paupière d'un enfant qui piétinait les éternités. Il était tout petit, vous pensez bien, mais pas autant que la fourmi qui allait de cette branche à cette pierre. Je me suis demandé pourquoi ça n'avait pas plus d'importance. Alors, je suis entré dans ce qui ressemblait à un couloir d'hôtel, à cause de ses nombreuses portes. La première à droite était justement celle du songe. Mais je ne l'ai pas ouverte car elle donnait sur l'océan, sur des cloportes. Pas compris ? Sur le néant. Après ça, c'est difficile de vivoter. Alors, j'ai bu du vin profond en écoutant la musique des sphères.


Lettre écrite par Norge à son rêve qui n'est plus, afin de le retrouver

Cher monsieur,

Par la présente, je souhaite obtenir de votre part la faveur de vous rencontrer à nouveau. Le premier contact qu'il nous fut donné d'avoir a produit sur moi le plus incroyable effet : pensez-donc, je suis devenu poète ! Si, si, je le dois entièrement à vous, ne soyez pas modeste (je devine votre modestie entre mes mots).

Pourtant, force m'est de reconnaître qu'il vous sera impossible de satisfaire mon impérieux besoin de vous revoir, puisque vous n'êtes plus. Vous me direz que si vous n'êtes plus, à quoi bon écrire cette lettre ? Et vous avez raison. Aussi vais-je plutôt l'adresser à la petite putain du square, à la mouche Elsa, à l'homme et la fille sur la petite roche, à tous ces personnages que vous avez eu, autrefois, la bonté de me faire rencontrer. Soyez-en remercié.

Je vais leur adresser cette lettre à tous à la fois, car tous à la fois, ils sont ce rêve que vous êtes et auquel je m'adresse. Tous à la fois, il redonnent vie, à chaque instant, à celui que vous fûtes en cette nuit à nulle autre pareille où je vous fis. De cette manière, j'espère esquisser de vous une ébauche à laquelle je pourrai adresser ma lettre sans perdre d'emblée l'illusion de le pouvoir faire à cause de la connaissance que j'ai de votre non-existence. Me suivez-vous ? Car si tel était le cas, je pourrais alors me retourner et vous voir, tout absent que vous êtes, alors même que je vous sens intimement présent en moi au moment où j'écris ces quelques lignes, comme on écrit à un ami perdu.

Norge

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