mardi 28 juin 2022

10 mai 2022

 "Je fais souvent ce rêve" (d'après Verlaine) - Uniquement des mots masculins

Souvent, je rêve de lieux obscurs, profonds abîmes ou sous-sols ténébreux, chemins privé de soleil ou sombres recoins, dans lesquels tantôt je me perds, tantôt je connais de troubles instants, tantôt je débats, tantôt je m'attarde.

J'y croise des inconnus ou des visages familiers. J'y reçois des regards qui me font froid dans le dos ou m'apaisent le cœur. Parfois, je les arpente seul, dans l'effroi ou le calme. Souvent, je m'y plais et souvent je les abhorre. Mais toujours, de leur mystère je me sens pénétré, spectateur consentant de mon propre psychisme que j'étale devant moi délesté de tout pudique apparat.

Au réveil, alors, je sais qu'un fragment de mon propre mystère a trouvé son chemin vers mon être conscient, comme circulent, en le sang, ces éclats invisibles qu'on nomme globules.


"Le sommeil ouvre en nous une auberge à fantômes" (G. Bachelard).
Qu'y a-t-il dans notre auberge ? - Uniquement au féminin

Je connais une auberge à laquelle j'atteins chaque fois que la nuit s'empare de ma conscience. Ne me demandez pas la route pour y parvenir, car toujours elle change. Certaines nuits, d'ailleurs, je m'égare et n'y parviens jamais. Mais qu'elle ait l'allure d'une bâtisse paysanne, l'architecture d'une maison cossue ou tout autre configuration qu'on voudrait lui prêter, lorsque j'y entre, c'est comme en retrouvailles. Aussitôt la porte franchie, je reconnais là des figures familières. Je les cite à la volée : fêlures de vies passées, troublantes coïncidences, rencontres improbables, compagnies douteuses, présences moqueuses, mains tendues, âmes à l'écoute. Je déambule dans cette grande salle à laquelle je prête volontiers ici une cheminée crépitante. Tantôt l'on m'ignore, tantôt l'on m'interpelle. Quand je réponds à ces invites, je prends place à une table car une chaise m'y attend. La conversation peut être longue ou brève, animée ou tranquille. Et lorsqu'en vient la fin, je quitte cette compagnie pour une autre, avec la conviction que mes pérégrinations me mèneront sans faute vers diverses aventures dont je regretterai, parfois, la survenance. À l'heure venue, après les salutations qu'exige la politesse, je quitte l'auberge et me laisse emporter vers les minutes matinales, parfois nocturnes si l'insomnie me guette, où ma conscience éveillée m'attend.


Georges Sand nous écrit une lettre dans laquelle elle nous dit que jamais elle ne rêve de... Insérer "le repos de la nuit ne nous appartient pas".

Cher Manu,

Alors que résonnent les arabesques veloutées des Nocturnes de Frédéric, je réponds à l'irrésistible appel de la plume qui m'enjoins de te raconter l'étrange visite que je reçus hier.

Alors que j'étais plongée dans une agréable rêverie sur ma terrasse, réchauffée des rayons du soleil, savourant le confort de mon transat que j'avais enfin rattrapé, la sonnerie de la porte d'entrée retentit. Mon humeur soudain bougonne me précéda jusqu'à l'huis derrière lequel se tenait un barbu grisonnant. Il se présenta, disant qu'il s'appelait Gaston Bachelard. Je lui demandai ce qu'il souhaitait. Il avait à me dire une chose importante : le repos de la nuit ne nous appartient pas. D'ailleurs, dit-il, avez-vous déjà rêvé de Verlaine ? Non, lui dis-je. Voilà, dit-il, qui corrobore ma théorie. Et il me quitta aussi prestement qu'il était arrivé. Drôle de rencontre, n'est-ce pas ? Je te laisse, Carl Frédéric vient de se réveiller.

Gros poutou,
G.

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