jeudi 23 juillet 2020

Nuit d'été

La chaleur n’a pas grelotté son dernier mot

Le dormeur n’a que faire de ce linceul

La nuit sera pourpre


Tant de pas qui n’auront pas été faits

L’huis les a envoûtés

Pour qu’ils cessent leurs songes d’horizons


Là demeurent ceux qu’un mur obtempère

Prêts à payer au jour le tribut de ses rayons


Déjà le cristal des enfants

Tinte au fond des lits

Où se jouent par avance

Les vécus qu’ils ne connaîtront peut-être pas


Tandis que rongent les hâtes obstinées

Jusqu’à la moelle du silence


Alors, la dernière main

Fera se taire le dernier rideau

Et la chaleur guettera

Le premier signe

Du premier éveillé

À l’orée de cette

Nuit d’été





Auderghem, juillet 2020

jeudi 16 juillet 2020

Possible

Ce soir, j’ai fait de la place en moi
J’ai poussé les meubles
J’ai roulé le tapis
Écorché
Mes pieds nus ont embrassé le bois, la poussière
Et la danse que je m’étais promise

Ce soir, j’ai fait le tour du monde
Le tour d’un monde
Je l’ai peuplé de rêveries et de chimères apprivoisées
Un arpenteur l’a chiffré
Il est plus vaste que tous mes soupirs
C’est dire

Ce soir, j’ai fait la paix avec moi-même
Trêve de calumet
Pas de mauvaise pensée
Pas de mauvaise langue
Pas de mauvais esprit
Juste un temps pris et l’étonnement d’être là

Ce soir, je respire des airs d’ailleurs
J’entends des musiques encore à composer
Et des mots jamais prononcés
Je vois des dessins qu’un crayon n’a pas tracés

Ce soir, tout est possible




                            Toscane, juillet 2020

mercredi 15 juillet 2020

Dires d'obscur

Qu’auront à me dire les ombres ce soir ?

Quels secrets ?

Quels murmures ?

Aurais-je l’oreille assez prudente pour ne pas croire aux alouettes de la nuit ?


Que lirais-je entre les lignes des étoiles ?

Je n’ai pas l’habitude de m’y hasarder.

Mes bésicles sont maladroites et balbutient parfois des inepties.


Au fond, si je laissais simplement l’obscur m’inonder de sa clarté ?

Les réponses s’agitent en d’autres instants, impatientes mais retenues.


Nuit, je suis prêt à te recevoir.

J’oublie les blés des jours et les collines du soleil.

Je m’en remets à ton jugement.






                        Toscane, juillet 2020

mardi 14 juillet 2020

Déjà

Déjà la nuit a étendu
Ses incertitudes
Les masques du sommeil entament le carnaval
Des songes

Déjà la fraîche corrompt
Les peaux
Et le coton des manches se souvient d’une autre
Lumière

Déjà se pressent
Hors des bois, des lumières, des moissonneuses et des enclos,
Les saveurs imméritées
Des impossibles légendes

Déjà demain
Attend l’écho de son cri



                 Toscane, juillet 2020

jeudi 9 juillet 2020

Nuit canine

La nuit aboie

Elle déchire les rêves

De ses canines

Et renvoie le dormeur

À d’autres inquiétudes


La nuit aboie

Parce qu’un sanglier

Parce qu’un renard

Parce qu’un rôdeur, peut-être

Seule l’ombre le sait


La nuit aboie

Son écho d’encre

Au creux des vallées

Elle écrit l’histoire

Qui fera le rêve du chien


La nuit aboie

De tous ses yeux ouverts

Elle sillonne à grandes foulées

Son territoire à défendre

Face aux menaces celées


La nuit aboie

Et c’est le monde entier

Qui gronde dans les gorges des gardiens

Plus peureux encore

Que ceux qu’ils protègent


La nuit aboie

Elle enrage de n’avoir pu les éveiller tous

Malgré la ferveur de ses cris

La nuit jure

Qu’elle fera mieux la prochaine fois





                 Toscane, juillet 2020

mercredi 8 juillet 2020

Au-delà

Ce ne sont pas des champs de blé où la moissonneuse a tracé ses sillons.

Ce sont des échantillons de velours étendus par un tailleur omniscient.


Ce ne sont pas des collines, ça et là parsemées de bois.

Ce sont des vagues ocres sur lesquelles mousse une écume rebelle.


Ce n’est pas un ciel bleu limpide.

C’est une toile de lumière où les oiseaux deviennent ombres chinoises.


Ce ne sont pas des lignes électriques qui viennent allumer les masures.

Ce sont des bras tendus qui dressent une barrière au néant.


Et au-delà du velours, des vagues, de la toile et des bras,

Les vagabonds stellaires attendent la nuit

Pour leurs agapes tonitruantes.






Toscane, juillet 2020


mardi 7 juillet 2020

Autour du silence

Il y a d’abord, et surtout,

Le silence


Bien sûr, ce sont aussi les grillons

Ou les cigales

Je n’ai jamais su faire la différence


Bien sûr, ce sont aussi

Les infinies vibrations

Des insectes secrets

Existence furtives


Bien sûr, ce sont aussi

Deux tourterelles

Qui se parlent du haut de deux cyprès

Elles s’invectivent, peut-être


Bien sûr, ce sont aussi les chiens

Qui grognent leurs jeux

Ou aboient une tortue téméraire


Bien sûr, ce sont aussi des voix

Qui deviennent parfois rires

Au cœur des braises solaires


Mais il y a d’abord, et surtout,

Le silence



         Toscane, juillet 2020