jeudi 26 décembre 2019

Bref...

MATIN, TÔT
Cette lumière naissante
Comme le premier vagissement du monde
Cette lumière-là
La capturer
Et attendre qu'elle distille
La force de croire
Que demain la verra renaître

ON PEUT TOUJOURS ESSAYER
Tant qu'à faire, moquons-nous
des ombres
des noirceurs
des affres
Les moqués ont tendance à partir, non ?

LA NUIT FUIT
Elle a de ces échappées, la nuit.
Elle se présente à l’huis, mais à peine résonnent les coups portés, elle a fui.
Elle se refuse au drap.
Elle ignore la paupière lourde.
Elle boude le sommeil.
Et c’est un jour nouveau qui point lors que la lune voyage encore.

UN AUTRE

Qu'as-tu à me dire, ô moi-même, que je ne sache déjà ?

Tu parles de secrets, mais je n'en ai pour personne.

Tu parles de mystères, et j'ai déjà tant de stupeur.

Tu parles d'inconnu, et celui-là éveille ma crainte.

Si ce que tu as à me dire n'est

Ni un secret, ni un mystère, ni un inconnu,

C'est que tu parles à un autre que moi.


NOUVELLES DU FRONT

Sentir en soi la graine du doute chercher la voie de l'éclosion et ne pas même esquisser le geste de la déterrer. Il y a dans ces heures inertes le confort des combats perdus d'avance. Je voudrais signer un armistice avec moi-même, mais j'ai jeté l'encre. La guerre est perdue, cela promet de belles batailles.


ENTRE CHIEN ET LOUP

J’ai voulu capturer de la plume cet instant mi-ombre, mi-jour, où la nuit vient prélever son dû.

J’ai échoué. Je suis encore trop chien et pas assez loup.


OUI OU NON ?
Ces moments d'oscillation où l'on hésite entre l'âme craintive et l'âme joyeuse, selon le penchant du cœur. Hésitation...

CES PETITS MANQUES
Là, en ce moment, je crois avoir tout ce qu'il me faut.
Pourtant, il me manque les yeux d'un chat.
Ce doit être la nuit qui approche, féline...

CRÉPUSCULE
Le temps hésite entre la lumière prolongée du jour et l'empire de la nuit.
Un réverbère lui murmure une suggestion.
Le temps donnera-t-il sa langue au chat ?
Justement, il doit bien y en avoir un en maraude dans les ombre des pas éloignés.
Et pendant ce temps-là, le temps passe et le réverbère a raison.

WORK IN PROGRESS
Elle se réjouit du chant d'un merle. À ce moment-là, elle est l'enfant qui n'ose pas affronter la vague mais rit de tous ses orteils. Elle conjugue l'émerveillement avec une grâce que ne renierait pas le merle, justement. Elle a pris son pinceau et a tracé sur la toile de ma vie l'évidence d'un petit bonheur simple.

UNE MÉSANGE
Aujourd'hui, sur les branches d'un arbre dont j'ignore le nom, j'ai aperçu les yeux d'un étonnement. C'étaient ceux d'une mésange, étonnée probablement de me voir dans ma cuisine. Ce qui m'étonne le plus, et m'émerveille, c'est d'avoir été présent pour ce moment de pur échange.

QUAND LA VIE DEVIENT-ELLE ASSEZ LONGUE ?
Il y a parfois, dans mon cœur, une douleur que je ne peux expliquer.
Et je m'explique encore moins que le simple fait d'écrire un poème puisse, sinon éteindre la douleur, du moins l'apaiser.
Je n'ai pas assez vécu.

CONTRADICTION
Elle est curieuse, la poésie. Elle réclame une attention de tous les jours, mais dès que je manifeste l'envie de la toucher du bout de la grâce, elle s'efface.
Coquetterie de vieille dame.

VA SAVOIR
Tandis qu'un avion murmure au loin ses idées de voyage, je suis là, guettant la nuit et ses promesses. Me confiera-t-elle mes secrets ?

CONVERSATION
Notes de berceuses, jazz ouaté qui n'a pas besoin de demander la permission.
Comme un drap lavé de frais, la quiétude s'étend.
Dehors, une ombre se presse, on l'attend, tandis qu'une à une, les idées du jour s'éteignent.
Ta voix, seule, fait obstacle à la nuit. Elle n'a pas conscience du silence, ou elle le brave.
C'est ta voix, après tout. Qui y trouverait à redire ?

APRÈS UNE SOIRÉE AU THÉÂTRE
La caresse des mots se prolonge bien après l'extinction de leur écho.
Les derniers spectateurs ont quitté le jour et jouent déjà à demain.
Seul, je contemple encore la lumière des projecteurs sur la rétine de ma mémoire.
J'applaudis, toujours.

VA SAVOIR
Tandis qu'un avion murmure au loin
ses idées de voyages, je suis là,
guettant la nuit et ses promesses.
Me confiera-t-elle mes secrets ?

EN FORÊT
Le soleil distribue ses deniers
Les ombres nous enrichissent d'un murmure
Une branche froisse le silence
Sur la soie du jour, la paix luit en rosée claire

INSTANT D'ÉTERNITÉ
D'où vient cette immobilité ?
J'ai figé un dire dans l'épaisseur des secondes. Je n'entends pas l'écho. Le rebond nous ignore. Et je suspend jusqu'au jugement ce qui m'a pris une éternité à saisir dans l'instant.

BAGAGE
On se pose parfois tant de questions. Trop.
On alourdit le bagage.
C'est idiot. On marche mieux léger.
Tiens ! Ce n'est pas mal, ça.
Je vais l'ajouter au bagage. C'est une bonne idée ? Non ? Si ?

OCCASION MANQUÉE
Pourtant, je l'avais au bout de la langue. Au bout des doigts.
Il s'est rétracté. Il n'était pas près.
Poème.

À LA DOUANE
Ma table grince.
J'aime bien ce mot. J'aime ce bruit.
Une incongruité dans le silence souhaité.
D'un côté, l'absence de bruit. De l'autre, l'existence de bruit.
Une frontière surveillée par le sourire d'un douanier.
Je n'ai rien d'autre à déclarer.

IMMENSE
Il se passe parfois tant de choses dans un instant
qu'on imagine un abysse de vie
par-delà l'écho de nos ignorances.

ÉLECTRIQUE
Il y a cet être de foudre qui grésille autour de moi.
Il me reproche, parfois, mes immobilités.
Il ne sait pas que j'en ai besoin autant que de ses ampères.

ÉCLATS
Et si chaque soir était un bourgeon ?
Et si chaque lendemain qui fleurit était la promesse d'un nouveau bourgeon ?
Et si ton rire cassait tout cela en mille éclats de bonheur ?
Ça n'a rien à voir, mais j'aime bien cette idée de vitrier.

VACARME

Brusquement, la maison s’emplit de pas.

Danse des pieds dans l’au revoir de la nuit.

Des baisers qui s’allongent pour mieux redessiner la carte de demain.


ENFIN !

Tu en a mis du temps pour me rejoindre !

Ai-je tant hésité que tu as battu la campagne

de mes mots sans oser venir à ma rencontre ?


QUAND ÇA GRATTE

Ce ne sont que quelques mots.

C’est une feuille qui demande qu’on la gratte pour apaiser ses démangeaisons.

Mais elles sont dans mes doigts, ces démangeaisons.

Il faudrait tout de même éviter de confondre l’outil avec le placebo…


CERTITUDE

Parfois, je doute.

Je doute même souvent.

Je doute tout le temps, en fait.

J’en viens même à douter de mon doute. Il m’apparaît parfois douteux. Trop pétris de certitudes.

Je ne m’en étais jamais douté mais là, aucun doute : je me complais dans le doute.

Vous en doutiez ?


PRESSÉE

Attends ! Ne va pas si vite. Ne te hâte pas, j’aimerais faire encore quelques pas avec toi. Ta compagnie m’est agréable. Une conversation aux pattes de mouche. L’encre des idées n’est pas encore sèche que les mots se couchent déjà. Cette hâte, je la reconnais. J’avais la même. C’est celle qui m’attend, chaque jour. Elle m’attend, forcément : dans sa hâte, elle me précède toujours.


VINCENT

Moi, je lui ai parlé. Lui, jamais.

Pas un mot. Mais des regards. Je ne les ai pas compris. Même maintenant, ils m’échappent.

Tant mieux, je ne supportais pas leur solitude. Ils parlaient une langue que j’abhorre. Pourtant, je suis sûr qu’au fond de nous, une once d’éternité avait compris.

Les yeux des frères.


IMPOSSIBLE RÊVE

Rêver demain est un impossible dialogue avec soi-même.
On se contredit, on se raisonne au-delà des espoirs, on ligote bien serré le paquet de ses songes pour mieux le lester de pensées.
Et on longe le canal pour y trouver le trou le plus noir.
La fenêtre est close, volets figés.
Alors, on se retourne vers le cœur de bakélite qui bat dans une poitrine froide.
On rêvera demain. Peut-être.


mardi 24 décembre 2019

Ce moment

Ce moment où
La nuit se refuse
À l'effacement
Et la lumière
Cherche dans l'ombre
Le ferment de sa certitude

Ce moment où
Les grincements de l'aube
Et les criaillements de l'obscur
Composent un unisson
De murmures étiolés

Ce moment où
Les premiers mots
Brisent un silence compact
Dans le gluant
Des premiers gestes

Ce moment où
Le lendemain déjà
S'étire
Au long des infinies
Espérances
Du jour neuf

Ce moment-là
Le vivre

mercredi 18 décembre 2019

16 décembre 2019

Instructions pour entrer dans le bruit du vent

C’est d’abord le cri

Tu le prends au rebond
Tu le malaxes
Tu le mouches
Tu en extrais le jus rugueux
Des reflets âcres
Mais celui-là, tu l’abandonnes
Il ne t’est plus utile

Bien plus féconde
Est la fumée
Des pensées
Laisse-la flotter
Entre deux rugosités
Pince-la à la racine
De l’humus
Et vide-la des vivants
Qui usurpent le vivant

Il en tombera une colle
Murmurante
Qui poisserait tes yeux
De sa lèpre
Celle-là, surtout, abandonne-la
Comme le vaste dévasté
Qui t’arrache à l’épais
De la joie

Abandonne
Ces saveurs de peur refroidie
Abandonne le sensible
Du dégoût

Abandonne
La mort lancinante
Que tu ne connaîtras pas

Reste un instant
Sur ce parfum de corde
Dénouée
Compose une main
Tendue
Déraisonnable
Écoute enfin venir l’infini
Et le besoin
D’écorce
Dans les murmures
De l’air
Dans le bruit
Du vent

mercredi 11 décembre 2019

C'est quoi, tout ça ?

Demain.
Oui, demain, je regarderai tout ça.

Je verrai les ondulations des feuilles
Et la présence assurée de la pluie.
Je contemplerai chaque instant
Comme ci c'était le premier
Qu'il m'est donné.

Et ce chant récurrent
Qui ondule quelque part,
Le verrai-je aussi ?
Il me paraît aussi important
Que le souffle d'âme
Qu'on nous refuse, parfois.
Trop souvent.

Je regarderai.
Et je penserai
À la prochaine fois
Où bourgeonnera
L'occasion d'en savoir
Un peu plus
Sur tout ça.

mercredi 4 décembre 2019

On tourne en rond

D'ailleurs, pourquoi serai-je hier
Le même que celui que j'étais demain ?
Je m'évolue,
Soupèse mes probables,
Et le devenir n'est que l'écho
Immobile
De mes hésitations.
J'étale sur la table
Les cartes sourdes
Et lance
Au creux solaire d'un instant
Le chant duveteux
De mon œil
Curieux.
Et si je me laissais surprendre ?
Et si tu avais raison
Quand tu dis que ce chant
Imprime sa marque
Dans le vol d'une pie
Ou le pied d'une table basse ?
Deux visions d'un même mouvement.
L'après et l'avant
Confondus,
Comme je confonds
Hier et demain.
D'ailleurs, ne suis-je pas devenu le même ?