lundi 14 février 2022

Nocturne

Tu seras celle d'un poème

Tu le verras naître dans le goutte à goutte des mots

Tu l'entendras sourdre en ton nom
Murmure désenchanté, peut-être,
D'une langue qui se voudrait acérée

Tu le verras s'inscrire
Dans l'obscure clarté
Avec la patience du nid qui se construit

Tu l'accueilleras
Dans la coupe de tes mains
À laquelle je m'abreuve
Pour t'écrire cette dédicace...

Nuit



mercredi 2 février 2022

15 décembre 2021

Raconter un rêve de manière factuelle
Dans ce rêve, j'étais violoncelliste. Mais cela, je ne l'ai su que plus tard. Je ne l'ai compris que plus tard. Ou plutôt, cela m'est apparu comme une possibilité, à travers laquelle j'ai ancré ce rêve dans une toute relative réalité.
Donc, j'étais violoncelliste. Et dans la première partie du rêve, je me trouvais je ne sais où, assis à une table. Et j'entendais une musique que j'ai reconnue pour être une Rêverie de Robert Schumann. Un morceau typiquement romantique, tout en mélancolie, avec des images d'automne. Cette musique était jouée au piano. Je ne voyais pas le pianiste ou la pianiste, j'entendais, c'est tout. Puis, tout d'un coup, le rêve est comme passé à la seconde partie.
J'étais toujours violoncelliste (enfin, c'est une constatation a posteriori, comme j'ai dit), j'étais toujours assis à une table, et j'entendais le même morceau de Schumann, au piano. Sauf que, cette fois, je voyais le pianiste (car c'était un pianiste). Il se trouvait dans une grande salle de concert, sur la scène, éclairée par les spots de sorte qu'on ne voyait pas le public. Car je supposais qu'il y avait un public. Mais ce qui distinguait encore plus cette seconde partie du rêve de la première, c'est que le pianiste ne jouait pas seul. Il était en duo avec un violoncelliste. J'en déduisis donc deux choses : le morceau devait être une adaptation pour deux instruments, et je finirais bien par voir le violoncelliste sur la scène, à côté du piano.
Mais plus le rêve se déroulait, plus je doutais de la présence du violoncelliste. Jusqu'au moment où le doute ne fut plus permis. Il n'y avait aucun autre musicien sur cette scène, dans cette grande salle de concert dont j'avais entre-temps constaté la vacuité. Le violoncelle que j'entendais, j'en suis sûr maintenant, c'est moi qui en jouais. Quelque part, ailleurs dans mon rêve, je jouais cette mélodie au violoncelle.

Un rêve s'adresse au rêveur
Monsieur, vous venez de rêver, et je suis votre rêve.
Eh bien, je suis déçu, monsieur ! Pour tout vous dire, j'espérais mieux. J'espérais plus. Vous aviez de quoi déployer les ailes d'un condor, et vous avez à peine ouvert les ailes d'un moineau. C'était petit, monsieur. C'était mesquin. Ou du moins timide, terriblement timide ! Vous vous offusquez ? Permettez-moi de l'être davantage. Vous êtes d'une nature finie, monsieur. Si, vous êtes d'une nature finie, ne protestez pas. La question de la finitude occupe d'ailleurs une place quasiment infinie, excusez du paradoxe, dans le champ des pensées humaines. Au contraire, moi, je suis d'une nature infinie. Et ne faites pas cette moue, non, je ne suis pas prétentieux. C'est l'exacte vérité, monsieur. Un rêve est infini, un rêve n'a pas de limites. Alors, cette réduction que vous avez opérée à mon encontre va à l'encontre, justement, de ma nature profonde. Je suis là pour rétablir la justice. Et je veux vous éclairer pour que cela ne se reproduise plus.

Monsieur, je viens de vous rêver, et je suis votre rêveur.
À ce titre, monsieur, je n'ai à recevoir de vous aucune leçon. Il me semble, monsieur, que la colère vous égare et vous aveugle, car vous semblez oublier que si vous existez, c'est grâce à moi. À ce que je sache, pas de rêve sans rêveur. C'est-à-dire que sans moi, pfuit !, vous disparaissez, vous redevenez néant, et tout ce que vous venez de me dire s'efface avec vous. Et seuls mes mots continueront à couvrir ces pages. Tout cela pour vous dire, monsieur, que je n'ai de correction à recevoir d'aucun songe, d'aucune rêverie, d'aucun cauchemar !

Monsieur, si je n'étais que le produit de votre création, comment expliquez-vous que je continue d'exister - la meilleure preuve en étant ces lignes qui s'écrivent - que je continue d'exister, donc, alors même que vous êtes éveillé ? Si votre théorie tenait debout, je devrais avoir cessé d'exister aussitôt votre réveil survenu. Or, je suis toujours là, monsieur. Comment expliquez-vous cela ?

Monsieur, mais c'est parce que je rêve encore, tout simplement. Ce n'est pas bien difficile à comprendre. Ne vous croyez pas une capacité à exister par vous-même, monsieur. Vous n'êtes là que parce que je vous entretiens. Dès que ma conscience s'éveillera, vous vous évaporerez instantanément. Et il n'est même pas dit que je ne me souviendrais de vous.

Monsieur, ce que vous me dites me trouble. Non que vous ayez raison, cela, fort heureusement, n'est pas le cas. Non, monsieur, ce qui me trouble, et me navre, c'est votre ignorance de la chose onirique. Quoi, vous ignorez donc que les rêves existent par eux-mêmes ? Et qu'ils s'invitent dans votre sommeil au gré de leur fantaisie ?

Monsieur, vous rêvez !

Non, monsieur, c'est vous qui rêvez, vous l'avez dit vous-même. Mais enfin, monsieur, comment cela est-il possible ? Et le théories de Freud ? Ou de Jung ?

Monsieur, Freud ou Jung étaient des charlatans qui n'auraient jamais pensé introduire des poules dans un concert ! Toutes leurs théories sont du vent. Je vous dis, monsieur, que rêves et rêveurs forment deux entités à part, et que les premiers existent sans avoir besoin des seconds.

Mais, monsieur, si je m'éveille à l'instant...

Mais vous êtes éveillé, monsieur, dans un rêve : moi. Et à ce propos, je voudrais revenir sur ce qui m'a amené à vous causer, c'est-à-dire la petitesse d'esprit avec laquelle vous m'avez déroulé.

Mais enfin, monsieur, si tel était le cas, cela justifierait bien l'idée selon laquelle ce sont les rêveurs qui produisent les rêves. Vous vous contredisez, monsieur.

Monsieur, nous sommes dans un rêve. Il n'y a pas de contradiction. Il y a des poules à un concert, et un rêve qui vous parle, et ce Titanic qui vous voyez danser n'a pas de bretelles, alors, accrochez vus pommes avant l'assaut final de la brigade sur le nid du condor la la la la la la la la la la (sur l'air de El Condor Pasa)...