mercredi 31 mai 2017

Écrire

À quoi ça tient ?

À un état d’âme.

À un abandon fraternel.

Comme une évidence. Certains parlent de transe.


Comment l’expliquer ?

Comment le définir en mots ?

Comment transfigurer ce qui n’a pas de consistance ?

Un cri qui résonne à l’infini.


C’est une vague qui monte.

C’est un rouleau phénoménal.

C’est une réalité sans amarres.

Un voyage défait de son but. Le compas est en panne mais le capitaine s’en fout.


Dites-moi pourquoi j’ai tant tardé.

Dites-moi comment j’ai pu mutiler mes rêves.

Dites-moi que ce n’est pas la fin du promontoire.

Je veux croire qu’un océan me hurle ses bras tendus.


Au-delà, il y a les milles marches d’un royaume de soie.

Au-delà, il y a l’écho de ces infinies palabres sans voix.

Au-delà, il y a moi et ma rencontre avec moi.

Excusez-moi, c’est un rendez-vous que je ne veux pas manquer...


Je n’avais jamais cousu de tels filaments.

Je n’avais jamais aligné ces franches vérités.

Je n’avais jamais lacéré les cuirs de la rectitude.

Il y a tant de ces gourmandises pour lesquelles je n’ai pas tendu la main.


Et Dieu sait si j’aurais dû !

Et Dieu sait si le passé me paraît plus lourd.

Et Dieu sait si je porte sur demain un regard lourd de fragilité.

La force me manque pourtant d’abandonner.


Quand y serais-je, à cet instant ?

Quand y serais-je, à ce croisement de tant de chemins ?

Quand y serais-je, à cette minute où tout bascule et rien ne retient ?

Je me permets un peu d’impatience, j’ai tout mon temps.


Laissez-moi abuser de mon libre-arbitre.

Laissez-moi abuser de mes onirismes francs.

Laissez-moi bercer d’illusions l’enfant que je chéris.

Donnez-moi la page blanche. Et l’encre vorace pour la griffer d’éternité !


Auderghem, 2017


dimanche 14 mai 2017

Hâte

Attends !

Ne vas pas si vite.

Ne te hâte pas,

J’aimerais faire encore quelques pas avec toi.

Ta compagnie m’est agréable.

Une conversation aux pattes de mouches.

L’encre des idées n’est pas encore sèche

Que les mots se couchent déjà.

Cette hâte, je la reconnais.

C’est celle qui m’attend chaque jour.

Elle m’attend, forcément  :

Dans sa hâte, elle me précède toujours.



                         Auderghem, 2017

mardi 9 mai 2017

Brumes

Les brumes du soir.

Les brumes de mon âme.

Noircissements passagers, fugaces, douloureux.

Les ai-je appelés, ces instants de mélancolie ?

Ou sont-ils, de leur plein gré, en cohortes bien rangées, venus tambouriner à l’huis clos de ma petite maison dans la solitude ?

Il n’y a pas eu d’invitation, mais je les accueille et les chéris.

Je les confie à mon cœur comme on pose sur le feu la marmite de soupe pour réchauffer le voyageur.

Je leur sers un verre de prune, je leur parle des tabacs que j’ai fumés, je leur rappelle qu’aucun train ne mène de l’autre côté.

Je les rassure sur mon éternelle hospitalité.

Puis, je les remercie et leur indique le chemin du retour.

Et je les regarde partir comme on dit au revoir à un ami… que l’on espère ne pas revoir.



Auderghem, 2017


dimanche 7 mai 2017

Le silence avant les mots



Or, il précède la tempête

Qui ne viendra point ; il s’entête.

L’air s’agite de ses cris lourds,

Déferlements vains : je suis sourd.


Je goûte, étonné, cet instant.

Perle rare, miette de temps.

J’y plonge ma langue gourmande,

Je le happe, j’en redemande.


C’est la saveur d’un interdit,

Le tronc cassé qui reverdit.

Sève vorace, tu coules ici

Comme un miel sur le pain rassis.


Oh ! dis, je te connais, tu sais,

On se fréquente bien assez

Pour qu’au premier temps de la danse

J’intègre au vif ton âme dense.


Tu précèdes toujours ma plume ;

Observant mes mots, tu les humes.

Bien avant que sur le papier

Ils soient couchés, ils sont épiés.


Non, je ne te décevrai pas.

Dans la nuit qui pense au trépas,

Perlée du tic tac de l’horloge,

Là vient ma muse dans sa loge


Et pareille à une Amazone,

En une chevauchée de faune,

Elle me dicte les appâts

Que je sème au gré de mes pas


Tout au long de la page blanche.

Ravies, les lettres se déhanchent

Et s’alignent sagement

En vers fiers comme des amants.


S’ils sont trop sûrs de leur conquête ?

Peut-être, ce n’est qu’une quête.

Tant pis, car je veux les aimer

Comme j’ai aimé les semer,


Et réduire ainsi à néant

L’oubli que tu créais céans.

Je t’ai vaincu, Ô silence,

Et mon poème était ma lance.


                                                                                                                            Bruxelles, 2017