Or, il précède la tempête
Qui ne viendra point ; il s’entête.
L’air s’agite de ses cris lourds,
Déferlements vains : je suis sourd.
Je goûte, étonné, cet instant.
Perle rare, miette de temps.
J’y plonge ma langue gourmande,
Je le happe, j’en redemande.
C’est la saveur d’un interdit,
Le tronc cassé qui reverdit.
Sève vorace, tu coules ici
Comme un miel sur le pain rassis.
Oh ! dis, je te connais, tu sais,
On se fréquente bien assez
Pour qu’au premier temps de la danse
J’intègre au vif ton âme dense.
Tu précèdes toujours ma plume ;
Observant mes mots, tu les humes.
Bien avant que sur le papier
Ils soient couchés, ils sont épiés.
Non, je ne te décevrai pas.
Dans la nuit qui pense au trépas,
Perlée du tic tac de l’horloge,
Là vient ma muse dans sa loge
Et pareille à une Amazone,
En une chevauchée de faune,
Elle me dicte les appâts
Que je sème au gré de mes pas
Tout au long de la page blanche.
Ravies, les lettres se déhanchent
Et s’alignent sagement
En vers fiers comme des amants.
S’ils sont trop sûrs de leur conquête ?
Peut-être, ce n’est qu’une quête.
Tant pis, car je veux les aimer
Comme j’ai aimé les semer,
Et réduire ainsi à néant
L’oubli que tu créais céans.
Je t’ai vaincu, Ô silence,
Et mon poème était ma lance.
Bruxelles, 2017