dimanche 21 février 2021

Fouiller les poches

Je ne sais pas ce que je cherche,
Si ce n'est l'inaccessible.
J'ai beau tendre l'âme,
Je n'ai que des échos vides
En réponse à mes questions.
Serais-je en train de me fourvoyer ?
Le chemin m'a peut-être égaré.
Ça se murmure, parfois.
Pourtant, quand je promène les doigts
Sur la surface de mes évidences,
Je lis des reliefs de joie,
J'enfante des reflets catégoriques.
Il ne manque qu'un parfum de certitude,
Mais je n'ai pas le nez fin.
Alors, je prends mes doutes pour des lanternes.
Et ce sont eux qui balisent mon chemin
En dessinant des ombres trompeuses
Enclines à se jouer de moi.
Je sais ce que je cherche :
Une allumette pour la mèche.
Je la craquerais sur le rugueux
De mes hésitations tenaces
Pour inviter plus de lumière dans mes nuits.

Où ai-je mis cette satanée allumette ?

La nuit hurle

Je t'entends, nuit
Dans la masse immobile de ton silence
Coulent d'innombrables cris

Ceux des dormeurs empêtrés dans leurs songes
Ceux des nouveaux-nés dont les gorges réclament la caresse jaillie du sein
Ceux des chats qui frôlent de leurs vibrisses l'idée de dominer le monde, un peu
Ceux des chiens qui veillent, stoïques, sur leurs peurs les moins avouables
Ceux des ambulances qui tracent un sillon sonore dans le vinyle des respirations lentes
Ceux des clochards avinés jusqu'au désespoir qui engueulent Dieu parce qu'ils y croient trop
Ceux des trottoirs transis sous la morsure des talons aguicheurs
Ceux des décibels qui se disputent la primauté du choix des danses tribales

Le mien, enfin, hurlement de peu de chose
Parce que je ne parviens pas à faire taire
Tous mes murmures intérieurs
Qui font écho à tes cris
Nuit sans sommeil

jeudi 18 février 2021

Gris, peut-être


Il y a toute sorte de gris

Le gris du ciel

Il n’est pas le moins connu

Il a la banalité des voix météo

Le gris des fumées

Pour mieux recenser les usines

Et polluer nos pensées

Le gris des costumes

Camouflage terne

Pour cacher une certaine misère de l’âme

Le gris des automobiles

Qui ont refusé le patchwork

Parce qu’elles lui préfèrent la tristesse uniforme

Le gris des yeux

Qui cherchent le sourire de la lumière

Et ne trouvent que la tristesse d’autres regards

Le gris de l’âme

Elle plonge dans la nuit des cœurs

Et échoue à toucher aux rives de l’espérance

Il y a toute sorte de gris

Mais ce soleil me salue

Et ses rayons font des bras

Auxquels je réchauffe mes souffles

Ils effacent tous les gris

Jettent du jour en pincées joyeuses

Allument des instants étonnants

Et tisonnent l’idée de vivre.


mercredi 10 février 2021

Ascolta (Écoute)

                                          à Michel

Si tu n'étais pas là,
À qui pourrais-je tendre une main
Secourable ?

Tu me hèles, peut-être,
Mais c'est moi qui suis avide
De t'aider.

Comme un miroir des rôles.

Parfois, on veut écarter les bras
De l'autre
Pour se blottir dans sa détresse
Et la diluer
De l'intérieur.

J'ai l'impression de frapper
Ton âme
Du heurtoir de ma bonté.
Mais ne l'ai-je pas confondue
Avec mon propre besoin
De chaleur ?

Va t'en savoir ce qui est juste !

Soit. Tu sais que je fais les cent pas
Devant ton huis.
Si tu me tends la main,
Sois accueilli
En le refuge de notre amitié.


lundi 8 février 2021

Libre

J'ai voulu dire mon silence
mais je n'ai pas pu

J'ai voulu défricher mon champ
mais je n'ai pas pu

J'ai voulu sourire à l'orage
mais je n'ai pas pu

J'ai voulu renoncer à l'écho
mais je n'ai pas pu

J'ai voulu exister une seconde fois
mais je n'ai pas pu

On m'a ôté le droit d'être
On a usurpé ma présence
Et je ne peux même pas me répondre

Dire que j'ignorais cette liberté !

Coup gagnant

La nuit exhibe mes plaies
Le fusain de ses heures
Dessine un sillon noir

J'ai plongé dans l'eau stagnante de mes songes
Je me suis coupé à mes peurs
Il a encore fallu que je me ramasse
Décidément, ces néons sont criards

Je préfère l'ombre

D'un geste imprévu
Surpris par ma propre bonté
J'escamote mes frissons
Là, je le vois
C'est le carré de lumière où je n'irai pas

La nuit n'a pu abattre son jeu
Je lui ai menti
Et elle a gaspillé ses atouts
Je gagne toujours
À ce jeu-là
J'y gagne de nouvelles plaies