lundi 17 avril 2017

Reflet

Il n’a pas vu combien de fois

Ce miroir est passé par là

Sous son regard, ivre de foi,

Qui ne le voyait pas, si las.


Il n’a pas vu que même en rêve

Ses pieds ne l’avaient jamais, hier,

Guidés sur un chemin d’orfèvre,

Sentier le long de la rivière.


Il n’a pas vu, enfin, hélas,

Combien elle avait fui leur île

Combien elle avait fini lasse

De ces souvenirs trop futiles


Et maintenant qu’il se voyait

Dans cette image reflété

Il saignait et se reniait

Par mille blessures laitées


Qui supuraient de leur douleur,

Ferventes supplications,

Et dispensaient un fiel hâbleur

Sur l’airain de son obsession.


Maintenant, il pouvait pleurer

Et laisser couler en serpents

Sa tristesse en flots apeurés

Devant ces oublis en arpents.


Il mesurait enfin combien

Elle n’avait fait de lui, rage,

Qu’un procès à charge du bien,

Une existence anthropophage


Elle l’avait vidé de lui,

Et lui n’avait que trop souillé

L’abrupte évidence des nuits

Aux yeux gourds d’être trop mouillés.


Pourquoi ne veux-tu pas entendre ?

Laisse-donc là le feu dans l’âtre.

Irrigue de tes pleurs si tendres,

Ô sois de mes tourments le pâtre.


Je te conduirai aux cent sources

De la félicité soudaine.

Et là débutera la course

Et tu vaincras en lutte obscène.


Mais lui, repu de songes creux

Ne bougeait pas son âme veule.

Ne quittait pas du bout des yeux

Ce miroir où son âme seule


Perlait de ses anomalies

Et s’enfonçait en hécatombe

Dans les doux recoins de l’oubli

Pour se lover dans une tombe.


Auderghem, 2017