mardi 23 mai 2023

Nuit, bientôt

Bien sûr tu tardes un peu à venir

Tu es la nuit d’été

Nul ne te presse


Au bout du chemin de soleil

Il n’y a plus que l’ombre

Avec ce qu’elle a de tapi

Pour nourrir les intranquilles


Ceux-là se languissent de toi

J’entends leur sabbat

Ils ne verront pas la voûte piquetée

Ils ne seront que ténèbres


Parfois je suis comme eux

J’attends le supplice de ton silence


Au fond, je ne t’ai jamais connue

Que comme un amie redoutable

Lame froide

Et toujours sur ton billot

Je reviens


                                                                                Auderghem, mai 2023


mercredi 17 mai 2023

Des gens et moi

Des gens respirent en moi.

Leurs souffles m’irriguent.

Ce sont eux que je sens couler

Dans mes artères,

Que mes veines charrient.

Ils sont l’air.

Mais parfois, cet air est nauséabond.


Des gens bougent en moi.

Je sens leurs gestes effleurer ma peau

De l’intérieur.

Des coudes, des talons, des doigts tendus.

Ça me bouscule les tripes.

Mais parfois, quand je perçois les jambes,

Je leur emboîte le pas

Et je vais un peu plus loin.


Des gens crient en moi.

Une chorale de souffrance,

Une foule de joies,

Le charabia des voix

Comme un défi à mon silence intime.

Quand ils parlent tous, comme ça,

Je reste moi-même sans voix.

Mais ce n’est pas faute de hurler pour les faire taire.


Des gens vivent en moi.

Ils m’occupent à tous les étages,

Ils m’arrangent à leur goût,

Et c’est parfois d’un laid !

Mais il y a toujours une exception,

Une lampe sur un guéridon

Qui m’incite à m’asseoir

Et à regarder vivre cette masse palpitante

Depuis une de mes fenêtres intérieures. 


Des gens meurent en moi.

Et je n’ai alors pas assez de larmes

Pour noyer leur absence.

Je leur creuse un oubli,

Je les ensevelis de bonne terre,

Et je regarde ailleurs

De peur de les regretter.

Mais pas tous.

Certains, je les brûle, je les disperse,

Sûr de ne pas les regretter.


Des gens sont moi.

Et je ne les trouve pas très fréquentables.

Si j’étais moi, je les chasserais.
Mais je ne suis pas moi.

Eux le sont.

Eux

Qui respirent

Qui bougent

Qui crient

Qui vivent

Qui meurent


Et je ne sais même pas qui ils sont !



                                                                                                                Auderghem, mai 2023

lundi 1 mai 2023

Meurtri

Celui qui marche là a froid.

Pour toute protection,

Il porte une chemise ouverte,

Déchirée.

Elle ne le protège pas du vent que les autres soufflent sur lui.

Un vent mordant,

Faiseur d’entailles.


Et les autres en rient.

Et les autres en rajoutent.


Lui, il ploie, dos voûté,

Attendant la fin de la bise,

Et le retour de la paix.

La violence, il ne sait pas.


Celui qui marche là trouvera-t-il une autre chemise ?







                                            Auderghem, mai 2023