mercredi 27 mars 2019

50 cl



elles bourgeonnent au bout des bras
dans le printemps de la solitude
elles lient les mains
prisonnières par procuration
elles sont les paupières
sur des yeux qui voient trop
vernis
aussi pisseux que leur goût
la vessie de l'univers s'est encore vidée
dans une canette
50 cl de bière

qui sont-ils ces buveurs de néant ?
qui veulent-ils tromper ?
qui pensent-ils oublier ?
n'y a-t-il donc aucune main tendue ?
seules des mains crispées
sur une canette
50 cl de bière

il y a ces deux-là qui refont le monde
un certain monde
celui de leur vide
ils évitent de rentrer chez eux
parce que chez eux n'existe pas
déglutitions par à-coups
baisers charnus
sur la canette
50 cl de bière

il y a ces deux-là qui marchent trop vite
cachent leur visage
visage d'alu
capuchon sur la soif
mais quelle soif ?
pourra-t-elle l'étancher ?
la canette
50 cl de bière

et puis ces deux-là qui parlent trop fort
sourds à leurs propres silences
ils rotent plus qu'ils ne parlent
ne sont entendus ni des uns ni des autres
mais seulement des fous
ou peut-être des ombres

Enfin, ceux-là, ils dansent
des pas bancals
des rythmes qui n'existent pas
ou ailleurs
et des sourires qui sonnent faux
qui détonnent au fond
des canettes
50 cl de bière

il y a au bout de tout ça
l'ivresse
l'ivresse de l'oubli
même pas
la peste
éthylique
tranchante, superbe
les entendez-vous ?
ils parlent de rédemption
ceux-là n'ont d'autre choix que de continuer
malgré la nausée et
malgré cet instant encore plus farouche où
ils pensent déjà à
la prochaine canette
50 cl de bière

vendredi 22 mars 2019

Haïkus de printemps



Balade en forêt
Dans la douceur du soleil.
Et mon chien renifle.


Un écureuil roux,
Là, à l'ombre du feuillage.
Immobilité.


Douceur du matin.
Dans les fourrés, un chevreuil.
Qu'a-t-il à me dire ?


La nuit est tranquille.
Pourquoi ne le suis-je pas ?
Pourtant, il fait bon...


Hiver le matin
et printemps l'après-midi.
Saison qui hésite.


Le soleil, timide.
Et au milieu de la rue,
le chat gris, tranquille.


Dans le matin frais,
Voir l'éveil de la lumière.
Je suis à vélo.


Dans la nuit, parfois,
bourgeonnent les insomnies.
Je suis cette branche.


Les deux amoureux
Au printemps de leur idylle.
Métro romantique.


Un sacré poisson :
Il neige un premier avril.
Y a plus de saisons !


Pépiements d'oiseaux
Cachés parmi les bourgeons.
Que me disent-ils ?


Dans les herbes hautes,
Un chat paresse au soleil.
Quelle étrange fleur !


En ouvrant la porte,
Le soleil frais qui pépie.
L'oiseau me salue.


La nuit est tombée.
Cette journée de printemps,
L'ai-je vécue toute ?


Le soleil et l'ombre.
Dans l'air de cette forêt
Comme une promesse.


J'écouterais bien
Le silence de la nuit.
Mais pensées bruyantes


La nuit de printemps
Me murmure de dormir.
Un dernier poème ?


La chaleur d'un thé
Et la noirceur de la nuit.
Le printemps hésite.


Et ce rouge-gorge
Qui se fait plus audacieux,
Est-il le printemps ?


Je la vois qui passe,
La voiture dans la rue.
Soir de printemps quiet.


Chaleur, ô chaleur !
Eux aussi font une pause.
Un café pour deux.


Tout ce monde au parc
Sous un soleil généreux.
Et un frisbee jaune.


Je marche au soleil.
Soudain, je suis accosté :
Deux pigeons m'encadrent.


Le regard absent,
Il vit ce jour de printemps.
Seul avec sa bière.


Un jour froid de mai,
Je suis malade et au lit.
J'écoute un trio. 


Journée de printemps,
La tête dans un étau.
Paracetamol !


Elle prend la pose
Face à la mer, au soleil.
Énième photo.


Pourquoi le croco
Crache-t-il toute cette eau ?
Fontaine d'avril.


Au bord du bassin,
les conversations bourgeonnent.
Au revoir, écharpe.




mercredi 6 mars 2019

Le long des voies

Ligne droite en sa vaste infinité
Jamais courbe ne fut plus limitée,
Et contrainte par un inexorable
Désir d'aller droit, désir ineffable.

Ainsi, chaque jour, ce sont des centaines
De regards lavés d'une eau incertaine,
Les uns déçus, les autres vides, usés,
Qui suivent la droite, désabusés.

Métro roule sans cahots, tout est lisse.
Quelques tremblements, tout au plus - glisse.
Têtes parcheminées de leurs pensées
Qui ne voient pas, ne voient pas, insensées,

Tout ce monde étalé le long des voies.
Les voies de ce métro, témoins sans voix
D'un présent patiemment amoncelé
Et cependant à notre voir celé.

Ouvrir les paupières sur l'univers
De ces maisons révélées à l'envers,
Arrières-vies qu'on s'obstine à cacher,
Décors sans vie, pudeur papier mâché.

Dépotoirs qui flanquent les voies, talus
Imbibés, sales, barquettes d'alu,
Poubelles, vieux électros qui me choquent
Caillasses de briques, une vie de broc.

D'aucuns vivent ici - qui s'en alarme ? -
Tout au long de cette vallée de larmes.
Or, indifférent, le métro traverse
Ce parfait abandon qui bouleverse.

Alors, dans ce désolant paysage,
Surgit l'éclat de cette pure image,
Sous ces hauts arbres qui comptent les heures,
Un étonnant tapis jaune de fleurs.

Et c'est tout l'oubli de ces pauvres crasses,
Est effacée l'image dégueulasse,
Un peu de jour dans cette nuit sans air
Qu'a, là, tracé un peintre, en jaune et vert.

On sourit. Et le permis est donné
De replonger enfin l'impatient nez
Dans le livre qu'on lisait tout à l'heure,
Certain qu'on fut témoin d'un bonheur.

vendredi 1 mars 2019

Une bien bêêêle journée



Ce 1er mars, c'est la journée mondiale du compliment.
Quelle belle journée ! Mais connaît-on l'origine de celle-ci ?

Oui. Elle remonte au XIIe siècle avant l'iPad, c'est une petite fable auvergnate qui nous la raconte.

Or donc, en ce temps-là, vivait un berger nommé Paul, pas très loin de Clermont-Ferrand. Il avait un beau troupeau de moutons qui bêlaient.
Ses moutons n'avaient pas reçu une très bonne éducation et n'étaient, par conséquent, pas très courtois. Ils se bousculaient, se marchaient sur les pattes, se mordaient, ne cédaient pas leur place aux vieilles dames... Offusqués, ils s'invectivaient les uns les autres à coup de mêêê... mêêê... mais... mêêê... mais... mais... mêêê... mais... mêêê... mais...

C'était pénible de les voir ainsi, si peu attentionnés les uns envers les autres, toujours à se chamailler. Aussi le jeune Paul se mit-il à réfléchir pour trouver une solution. Et celle-ci lui vint. Il eut l'idée d'imposer à ses moutons de bêler à l'envers. Il les réunit autour de lui et leur dit que désormais, ils allaient dire êêêm au lieu de mêêê. Les moutons, tous cousins de Panurge, firent ce qu'on leur disait de faire et commencèrent à bêler à l'envers.

êêêm... êêêm... êêêm... aime... êêêm... aime... êêêm... aime... aime... êêêm... aime...

L'effet ne se fit pas attendre. Soudain pétris de bons sentiments, les moutons développèrent des trésors d'attention les uns vis-à-vis des autres. Ils se cédaient le passage au lieu de se bousculer êêêm... aime... Ils ne se mordaient plus mais au contraire, se frottaient tendrement la tête l'une contre l'autre êêêm... aime... Ils devinrent polis, aimables, souriants et c'était une joie de les voir ainsi bienveillants êêêm... aime...

Un autre berger, qui passait par là avec son troupeau, fut bien étonné de voir un tel tableau. Il intima l'ordre à ses propres moutons de faire de même, et ne fut pas long à apprécier les résultats êêêm... aime...

L'histoire fit rapidement le tour de la région et bientôt, tous les moutons bêlaient à l'envers.

Pour les bergers, cela relevait maintenant de l'évidence : le bêlement à l'envers était bénéfique. La laine était 23 % plus soyeuse, l'expérience mouton était plus gratifiante pour le groupe cible et au marché de Clermont-Ferrand, les ventes connurent une hausse de 187 % par rapport à la veille.

Cependant, les moutons se fatiguaient. Formés au mêêê..., ils ne purent tenir longtemps le êêêm... Et quand vint le soir, épuisés, ils étaient revenus au mêêê... et à leurs mauvaises manières.

Les berger réunis décidèrent qu'ils allaient remettre ça l'année suivante car tout cela était tout de même une bonne opération. C'est depuis lors que le 1er mars est une journée si importante.

Pour la petite histoire, on dit qu'un jour, un mouton tenta un êêêm... avant le 1er mars. Mais aucun de ses congénères ne l'entendit.