Des gens respirent en moi.
Leurs souffles m’irriguent.
Ce sont eux que je sens couler
Dans mes artères,
Que mes veines charrient.
Ils sont l’air.
Mais parfois, cet air est nauséabond.
Des gens bougent en moi.
Je sens leurs gestes effleurer ma peau
De l’intérieur.
Des coudes, des talons, des doigts tendus.
Ça me bouscule les tripes.
Mais parfois, quand je perçois les jambes,
Je leur emboîte le pas
Et je vais un peu plus loin.
Des gens crient en moi.
Une chorale de souffrance,
Une foule de joies,
Le charabia des voix
Comme un défi à mon silence intime.
Quand ils parlent tous, comme ça,
Je reste moi-même sans voix.
Mais ce n’est pas faute de hurler pour les faire taire.
Des gens vivent en moi.
Ils m’occupent à tous les étages,
Ils m’arrangent à leur goût,
Et c’est parfois d’un laid !
Mais il y a toujours une exception,
Une lampe sur un guéridon
Qui m’incite à m’asseoir
Et à regarder vivre cette masse palpitante
Depuis une de mes fenêtres intérieures.
Des gens meurent en moi.
Et je n’ai alors pas assez de larmes
Pour noyer leur absence.
Je leur creuse un oubli,
Je les ensevelis de bonne terre,
Et je regarde ailleurs
De peur de les regretter.
Mais pas tous.
Certains, je les brûle, je les disperse,
Sûr de ne pas les regretter.
Des gens sont moi.
Et je ne les trouve pas très fréquentables.
Si j’étais moi, je les chasserais.
Mais je ne suis pas moi.
Eux le sont.
Eux
Qui respirent
Qui bougent
Qui crient
Qui vivent
Qui meurent
Et je ne sais même pas qui ils sont !
Auderghem, mai 2023