S'il n'y avait qu'un poète, ce serait Norge.
Pas de réactions ? Je continue.
S'il n'y avait qu'un seul vers de lui, ce serait
Deux pochards sentimentaux
trébuchent des obscénités
aux passantes accélérées.
Rassurez-vous, Norge n'est pas le seul poète et c'est bien heureux. Cela dit, il m'est un indispensable. Son universalité me touche.
Et ce vers, tiré du poème Place Rouppe, est probablement mon préféré. Par le choix des mots, l'audace dans le raccourci qui fait d'un verbe, un autre. En neuf mots, Norge a éveillé en moi la sympathie pour ces pochards et l'empathie pour ces passantes fuyantes. En neuf mots, il a peint tout un fait de société.
Il a eu d'autres éclats, bien sûr.
On s'entoge encore une fois
du faux habit de soi-même
ou encore
Un crampon dans le sapin,
Le nœud est déjà tout lisse,
Louis, ton chagrin s'y glisse,
pends-le bien.
Certes, c'est faire œuvre de poète que de rechercher le mot juste. Ou plutôt de saisir le mot juste au vol, quand il se présente. Je ne pense pas qu'on cherche, on y passerait trop de temps. On laisse venir, ça va plus vite. Mais pour laisser venir encore faut-il laisser la place. Tout l'art poétique...