mercredi 4 juillet 2018

Crépuscule

Et cette stupeur d'être déjà dans la nuit
Au creux d'une lumière gobée par les mouches
Avec cette lancinante, cette exaspérante question du lendemain.

Dans cette nuit orgueilleuse qui jouit du droit de reprendre ses droits
On n'est déjà plus qu'un oubli
Alors même qu'on ne se rappelle pas si demain était bien.

Les mouches, elles, ont la curiosité nerveuse de l'éphémère
Elles n'osent pas les élucubrations dont nous faisons notre lit.

Cette chape d'encre constellée de regards nous toise, infatigable,
Et même les moissonneuses en rient.
Nous n'avons pour sourire qu'une grimace.

La nuit est un éblouissement aux racines profondes qui nous prend au dépourvu,
Les yeux trop ouverts, naïfs.

On n'a pas senti les graines pulser sous la terre première.
On n'a pas fléchi sous le vent qui faisait de son mieux.
Troupeau vaquant aux têtes penchées,
Nous n'avons pas assez bu notre éveil.

Alors, nous allumons pour les mouches et leurs entêtements câlins.
Nous entamons des conversations de papier.
Nous fêlons les cloches aux bourdons trop lourds
Pour que cesse ce beuglement mat annonciateur
De la reine de la nuit, souveraine de nos angoisses.

                                                                                                Toscane, 2018