vendredi 6 juillet 2018

Bonjour

Il y a tellement de joie dans les ahanements de cette jeune chienne venue réclamer son content de caresses.

Son bonjour n’est pas dit, mais il est sonore comme le reflet de son âme canine dans ses prunelles.


Et dans le bonjour de ces deux enfants, éphémères voisins de vacances, qui s’approchent timidement pour ne pas rater la prochaine conversation qu’ils pourraient avoir avec moi.

Leur bonjour n’est pas dit non plus, mais il a la rondeur du pain que le four va bientôt délivrer.


Même tu, un bonjour est une poudre aux yeux. Pas de celles qu’on jette pour le jaillissement d’une tromperie. C’est une poudre d’or qui prend le temps de nous couvrir, et nous rend imperméables à l’indifférence.


Car si l’autre est différent, il est aussi égal. Et son bonjour a des saveurs de bonté.


Je suis toujours surpris quand je salue quelqu’un au détour d’une promenade forestière. Surpris de son bonjour, lancé parfois avec éclat, qui me cueille à l’improviste sur la terre de mes pensées.

Surpris, aussi, parfois, de mon propre bonjour offert en cadeau parce qu’à cet instant-là, j’ai envie d’offrir.


Et toujours, après la surprise, vient la joie. Car au moment de ce bonjour, ce sont deux étoiles qui ne s’ignorent plus, et dont l’éclat perdure.




                    Toscane, 2018

mercredi 4 juillet 2018

Crépuscule

Et cette stupeur d'être déjà dans la nuit
Au creux d'une lumière gobée par les mouches
Avec cette lancinante, cette exaspérante question du lendemain.

Dans cette nuit orgueilleuse qui jouit du droit de reprendre ses droits
On n'est déjà plus qu'un oubli
Alors même qu'on ne se rappelle pas si demain était bien.

Les mouches, elles, ont la curiosité nerveuse de l'éphémère
Elles n'osent pas les élucubrations dont nous faisons notre lit.

Cette chape d'encre constellée de regards nous toise, infatigable,
Et même les moissonneuses en rient.
Nous n'avons pour sourire qu'une grimace.

La nuit est un éblouissement aux racines profondes qui nous prend au dépourvu,
Les yeux trop ouverts, naïfs.

On n'a pas senti les graines pulser sous la terre première.
On n'a pas fléchi sous le vent qui faisait de son mieux.
Troupeau vaquant aux têtes penchées,
Nous n'avons pas assez bu notre éveil.

Alors, nous allumons pour les mouches et leurs entêtements câlins.
Nous entamons des conversations de papier.
Nous fêlons les cloches aux bourdons trop lourds
Pour que cesse ce beuglement mat annonciateur
De la reine de la nuit, souveraine de nos angoisses.

                                                                                                Toscane, 2018

mardi 3 juillet 2018

Toscane

Quatre volètent et mille autres nous disent

Leurs quatre voluptés de papillons.

D’un battement d’ailes blanches, ils irisent

L’air que, sans vergogne, nous épions.


Quatre volètent, et cent autres nous disent

Leurs quatre gracieusetés d’hirondelles.

Chasseresses impitoyables dans la bise,

Elles nous offrent un ballet irréel.


Quatre volètent et tant d’autres nous disent

Leurs quatre entêtements de guêpes. Las  !

Elles bourdonnent partout leur gourmandise

À laquelle on cède de guerre lasse.


Sur les coteaux, au faîte des collines,

Les oliviers tracent l’ombre qu’ils peuvent,

Murmurant de leurs feuilles opalines

Des mots gras dont les grillons s’émeuvent.


Les blés loquaces haranguent le soleil

Et c’est à qui mûrira le plus blond,

Tandis que sous l’ombre de fleurs vermeilles,

Un lézard rit au frais de tout son long.


Aujourd’hui, plus rien ne bouge en Toscane.

Mais dès demain, ce sera dans les champs

Le retour de cette armée de cocagne,

Les laboureurs fidèles à leur chant.


Les collines ondoient en vagues d’or.

En leurs sommets ondoient, comme des nefs,

Des villes fortifiées aux fiers abords

Que l’on aime déjà d’un regard bref.


Là, ce ne sont que beautés et splendeurs

Dans la toile envoûtante des ruelles.

Tantôt, c’est une chapelle, ô candeur,

Tantôt, c’est une taverne, ô cruelle.


Un peu de pecorino et de pain,

Une image sainte, un bourg médiéval,

La beauté des courbes des Apennins.

C’est la Toscane, beauté déloyale.


                                                                                                            Toscane, 2018