lundi 12 décembre 2016

Attends

La cité colonne qui épanche ses toits,

Habitants koalas qui s’agrippent à leurs rêves.

Dans un bateau à voiles, je ne vois plus que toi

Tu allumes mes nuits, tu es mon sang, ma sève.


Béton partout, intense, aspérités voraces

Quelques fois adoucies par des rires d’enfants.

Je me souviens toujours, en cette même place,

Des claudications de petits vieux cocasses.


La, j’élève mes cieux vers plus d’étonnements

Comme un bref oisillon qui, trop tôt, perd l’envol

Pour finir, ô destin, sa vie tout doucement

Sans avoir eu le temps de goûter des alcools.


Je me souviens aussi de ces lueurs de feux

Qui bruissent alentour des cimetières glacés

Où gisent, trépassés, les tissus paresseux

Qui faisaient autrefois des vies verglacées.


Je me souviens, enfin, de ta peau que mes mains,

Inlassables et avides, avaient tant de bonheur

À caresser sitôt que venait le matin

Quant de te réveiller tu m’offrais enfin l’heur.


Attends, retiens tes pas, ne fuit pas vers demain.

J’ai encore trop besoin de tes rires charnels.

Je ne peux accepter de te lâcher la main,

Je veux encore dire ô combien tu es belle.


Attends-moi, je te prie, continuons encore

Ce morceau d’existence à nulle autre pareille ;

Laisse-moi te rejoindre au-delà de la mort

Que je puisse à nouveau goûter à tes merveilles.


                                                                                                                    Bruxelles, 2016


lundi 17 octobre 2016

La fin du festin

Après la mort de sa femme,

Il a commencé à couper les arbres

Sa manière de briser le drame

Sève écoulée plutôt que marbre


Son chagrin sous le bras,

Bâton de pèlerin triste

Il lance des abracadabras

Au son rauque d’un cistre


Ses pas s’accentuent de ses vertus

Sous la poigne de la mort qui le chasse

Oh ! j’ai dit ces mots qui tuent

Il rêve que demain tout se refasse


Une place, un manège de foire

Prise électrique, robes de froufrou

Les enfants vêtus de moire

Qui tête blonde, qui cheveux roux


Entament une danse éperdue

Aux quatre coins de leur naïveté

Comme une offrande due

À l’instantané de l’été


Et lui, toujours allant

Accueilli dans les foyers

Où la mère filant

À l’ombre du noyer


Prépare un nectar du Brésil

“Café chaud, j’adore”

Fait-il, et comme un grésil

La tasse son âme redore


La route est longue, toute de cailloux hirsute

Elle s’étale à l’abandon de ses pieds

Où chaque pas qui presque le rebute

Coûte un chiffonnage amer à son coeur de papier


Ô route ici implacable

Dans ton évidente nécessité

Il ne s’en croit pas capable

Il sait pourtant la vérité


Elle, la douce, est partie,

Flammèche soufflée par un abrupt destin

Et c’est une vie anéantie,

Et c’est la fin du festin.



                                                                                                                Bruxelles, 2016


vendredi 30 septembre 2016

La page et le stylo

Sur une page, le blanc s'étalait.

Fi de la grisaille, le blanc c'est moins laid !

Je me plais, moi, à rester vierge.

Oh ! Mon Dieu, il ne manque que les cierges…


Un stylo vint tout encapuchonné

Avec une furieuse envie de griffonner.

Mais il manquait le support

Où pratiquer ce sport.


La rencontre, fatale, eut lieu

Ils se tombèrent dans les yeux

Elle, frémissante, tentante

Lui, fébrile, la plume pantelante


Et bien, qu'attends-tu ? Ecris !

Lui lança-t-elle comme dans un cri.

Je ne sais pas, je me demande si…

Enfin, peut-être, écrire ici…


Allez, vas-y, vas-y

Tu me verrais ravie

Mais j'ai peur !

On ne pourrait pas attendre tout à l'heure ?


Oh ! Le nigaud, ce qu'il est timide

As-tu donc si peur de te prendre un bide ?

C'est que je n'ai jamais couché

De mots sur une feuille touchée…


Idiot ! Prends-moi toute !

Laisse-toi tenter, je suis filoute !

C'est bon, c'est bon, je m'y mets

Sur toi, je me dévêts…


Bruxelles, 2016