03 décembre 2025

Mémoire

Sur les plaines inessoufflées

Sur les sommets indifférents

Sur les rives âpres de toute mer

Sur les têtes trop lourdes


Le vent portait des secrets


Depuis le premier mugissement

Depuis le premier ciel déchiré

Depuis le premier pas nu

Depuis le premier regard de biais


Le vent portait des secrets


Quand venait la horde échevelée

Quand bramait le sein de la forêt

Quand s’endormait le nouveau-né

Quand veillait la sentinelle


Le vent portait des secrets


Autour des feux de la nuit

Autour des corps abandonnés

Autour des pensées de guerre

Autour des gestes d’amour


Le vent portait des secrets


Parce que parler ne se pouvait

Parce que mourir ne se voulait

Parce que vivre se démenait

Parce que lutter abandonnait


Le vent portait des secrets



Et quand il arrive qu’ils soient déposés par les alluvions de la vie

Ces secrets pèsent plus lourd qu’une carcasse de géant

Parce qu’ils se souviennent de leurs voyages

Parce qu’ils n’oublieront jamais

quand


Le vent portait des secrets


11 juin 2024

Déclarations

Déclaration n°1

On nous demande d'interrompre la retrnasmission pour communiquer au lecteur et à la lectrice des informations de la plus haute importance.

Les Nippodomes ont déclaré la guerre aux Nippodases parce que ces derniers ont osé prétendre que le satellite Nippo gravite autour de Nippoda et non autour de Nippodo. Une allégation douteuse, selon les Nippodomes, qui prétendent, eux, que Nippo gravite autour de Nippodo. Pour clarifier notre propos et permettre au lecteur (ou à la lectrice, bien sûr) de comprendre les tenants et les aboutissants de cette situation tragique, précisons que les planètes Nippodo et Nippoda sont voisines. Très voisines. Au point de plus grande proximité, la distance qui les sépare est inférieure à cinq mètres. Comme les deux planètes ne tournent pas sur elles-mêmes, ce sont toujours les deux mêmes endroits qui se font face. Du côté de Nippodo, c'est la terrasse d'un café. Sur Nippoda, c'est un jardin public. Depuis que la guerre a éclaté, la terrasse de Nippodo et le jardin de Nippoda ne désemplissent pas : d'un côté comme de l'autre, les habitants se relaient pour venir insulter ceux d'en face.

Il est important de mentionner que les Nippodomes étaient déjà en guerre contre les Semodoppin. Ils accusent ceux-ci de tout faire à l'envers. Même leur satellite, Oppin, ne tourne pas dans le bon sens. Les deux planètes sont situées à dix milliards de milliards de milliards d'années-lumière l'une de l'autre. Aussi, la première bataille n'a pas encore eu lieu, les deux armées étant encore en route. D'autres précisions dans quelques minutes, ne quittez pas l'antenne.


Déclaration n°2

Les Proses ont déclaré la guerre aux Alexandrins. Pourquoi ? On n'en a aucune idée et, de notre point de vue, ça ne rime à rien.


Déclaration n°3

Un jour, un capitaine des Zuns a provoqué en duel un lieutenant des Zotres. Ils ont choisi, pour se battre, un terrain neutre appartenant aux Quidams, et situé entre les Zuns et les Zotres. Au cours du duel, un Quidam a été blessé. Aussitôt, les Quidams ont déclaré la guerre aux Zuns et au Zotres. Mais, heureusement, les choses se sont calmées, et tout porte à croire que la guerre des trois n'aura pas lieu.


Déclaration n°4

Chérie, je t'aime, veux-tu m'épouser ?

Je retourne chez ma mère !


 

11 juillet 2023

Suggestion

Et pourquoi pas un sourire ?

Il en passe, parfois,

Dans les ombres du soir

Comme un vol d’hirondelles

Empressées.


Et pourquoi pas l’aile du bonheur

Sur nos têtes inquiètes ?

Après tout, il est à tout le monde,

Comme ce chemin vers les vignes

Loquaces.


Et pourquoi pas un mot ?

Il viendrait du cœur.

Il viendrait à propos

Pour faire taire les angoisses

Nées des ombres du soirs,

Loin du chemin vers les vignes.


Au fond, pourquoi pas ?



                Auderghem, juillet 2023

28 juin 2023

Celui-là qui passe

Regardez-le venir
C’est un homme nouveau
Bois neuf, fraîchement sculpté
Voyez son pas assuré
Il suit la route
Sans un regard en arrière
L’a-t-on déjà vu ici ?

Il laisse dans son sillage
Quelques mots choisis
Une idée de poème
Sur la première étoile du soir

Déjà, il s’éloigne
Il a le front des horizons
Un chien peut-être le suivra
Et puis le vent
            toujours
                            curieux

Il a des rêves de cloître
Il songe aux amis
Au chaud des familles
De tout cela, il fait une chanson
Qu’il mâchonne
Pour sa saveur de vie


Auderghem, juin 2023

23 mai 2023

Nuit, bientôt

Bien sûr tu tardes un peu à venir

Tu es la nuit d’été

Nul ne te presse


Au bout du chemin de soleil

Il n’y a plus que l’ombre

Avec ce qu’elle a de tapi

Pour nourrir les intranquilles


Ceux-là se languissent de toi

J’entends leur sabbat

Ils ne verront pas la voûte piquetée

Ils ne seront que ténèbres


Parfois je suis comme eux

J’attends le supplice de ton silence


Au fond, je ne t’ai jamais connue

Que comme un amie redoutable

Lame froide

Et toujours sur ton billot

Je reviens


                                                                                Auderghem, mai 2023


17 mai 2023

Des gens et moi

Des gens respirent en moi.

Leurs souffles m’irriguent.

Ce sont eux que je sens couler

Dans mes artères,

Que mes veines charrient.

Ils sont l’air.

Mais parfois, cet air est nauséabond.


Des gens bougent en moi.

Je sens leurs gestes effleurer ma peau

De l’intérieur.

Des coudes, des talons, des doigts tendus.

Ça me bouscule les tripes.

Mais parfois, quand je perçois les jambes,

Je leur emboîte le pas

Et je vais un peu plus loin.


Des gens crient en moi.

Une chorale de souffrance,

Une foule de joies,

Le charabia des voix

Comme un défi à mon silence intime.

Quand ils parlent tous, comme ça,

Je reste moi-même sans voix.

Mais ce n’est pas faute de hurler pour les faire taire.


Des gens vivent en moi.

Ils m’occupent à tous les étages,

Ils m’arrangent à leur goût,

Et c’est parfois d’un laid !

Mais il y a toujours une exception,

Une lampe sur un guéridon

Qui m’incite à m’asseoir

Et à regarder vivre cette masse palpitante

Depuis une de mes fenêtres intérieures. 


Des gens meurent en moi.

Et je n’ai alors pas assez de larmes

Pour noyer leur absence.

Je leur creuse un oubli,

Je les ensevelis de bonne terre,

Et je regarde ailleurs

De peur de les regretter.

Mais pas tous.

Certains, je les brûle, je les disperse,

Sûr de ne pas les regretter.


Des gens sont moi.

Et je ne les trouve pas très fréquentables.

Si j’étais moi, je les chasserais.
Mais je ne suis pas moi.

Eux le sont.

Eux

Qui respirent

Qui bougent

Qui crient

Qui vivent

Qui meurent


Et je ne sais même pas qui ils sont !



                                                                                                                Auderghem, mai 2023

01 mai 2023

Meurtri

Celui qui marche là a froid.

Pour toute protection,

Il porte une chemise ouverte,

Déchirée.

Elle ne le protège pas du vent que les autres soufflent sur lui.

Un vent mordant,

Faiseur d’entailles.


Et les autres en rient.

Et les autres en rajoutent.


Lui, il ploie, dos voûté,

Attendant la fin de la bise,

Et le retour de la paix.

La violence, il ne sait pas.


Celui qui marche là trouvera-t-il une autre chemise ?







                                            Auderghem, mai 2023