Lieu où l'on aimerait rêver
C'est une toute petite planète
Qui n'est pas exempte, cependant,
Qui n'est pas exempte, cependant,
De la prétention des minuscules.
Pardonnable travers
Si l'on tient compte
De ce fait peu commun :
Elle abrite un réverbère.
D'allure parfaitement classique,
Dans un alliage connu de l'univers seul,
Il pointe parfaitement droit
Et trace, avec la sphère sur laquelle il repose,
Le point d'exclamation de votre stupeur.
Nulle lumière, non.
L'instant laisse aux étoiles
Le monopole de la merveille.
Une proposition propice à la rêverie, non ?
C'est cela, installez-vous.
Acceptez, du réverbère, l'invitation
À poser votre dos
Sur sa fraîcheur métallique
Fermez les yeux,
Le temps d'un battement d'éternité.
Puis, ouvrez-les sur l'immensité.
Ça y est, vous avez commencé à rêver.
Vous avez entendu, quelque part,
Le soliloque du renard
Le froissement du crayon sur la laine du mouton
L'enfant qui ne sait ce qu'est le cambouis
Mais sait déjà tout des roses...
Et si vous restez là assez longtemps,
Alors même que vous n'aurez pas vu
La nuit tomber ou le jour se lever,
Vous entendrez le pas habitué
De l'allumeur de réverbère
Qui vous saluera
Tantôt d'un bonsoir,
Tantôt d'un bonjour.
Et toujours sur les traces du Petit Prince, le basculement dans le rêve...
Je t'entends, renard
Je t'entends, rose
Gare à ses épines
Gare à ses canines
J'entends ton mouton,
Petit Prince
Qui n'a pas appris à dessiner
Mais n'a besoin d'autre compagnie
Que celle d'un réverbère
Et d'une mèche
Tantôt de jour
Et tantôt de nuit
J'entends le chant des sphères
Au plus profond du cambouis
Et j'y poserais bien les fondations
D'une rêverie
Mais entendez, à votre tour,
Les interjections de mes bielles
Et la promesse du vent sur mes ailes
Ça y est ! mon moteur tourne
D'un claquement de capot
Je cesserai de jouer à l'immobilité
Je vais bientôt m'ébrouer
Et dans l'azur parader
Voyez les déserts de nuit
Et leurs menaces tapies à l'arête des dunes
Voyez les cimes acérées
Qui dérouleur leurs mâchoires aveugles
Voyez cette terre des hommes
Que je m'applique à faire rougir
En la lorgnant sans innocence
Voyez les lumières inquiètes
Qui implorent du paysage
Le droit de m'accorder l'asile
Voyez tout cela comme je vous ai entendus,
Renard, rose, Petit Prince et réverbère,
Et dites-moi si mes rêves
Ne valent pas ceux d'un écrivain.