Il n’a pas vu combien de fois
Ce miroir est passé par là
Sous son regard, ivre de foi,
Qui ne le voyait pas, si las.
Il n’a pas vu que même en rêve
Ses pieds ne l’avaient jamais, hier,
Guidés sur un chemin d’orfèvre,
Sentier le long de la rivière.
Il n’a pas vu, enfin, hélas,
Combien elle avait fui leur île
Combien elle avait fini lasse
De ces souvenirs trop futiles
Et maintenant qu’il se voyait
Dans cette image reflété
Il saignait et se reniait
Par mille blessures laitées
Qui supuraient de leur douleur,
Ferventes supplications,
Et dispensaient un fiel hâbleur
Sur l’airain de son obsession.
Maintenant, il pouvait pleurer
Et laisser couler en serpents
Sa tristesse en flots apeurés
Devant ces oublis en arpents.
Il mesurait enfin combien
Elle n’avait fait de lui, rage,
Qu’un procès à charge du bien,
Une existence anthropophage
Elle l’avait vidé de lui,
Et lui n’avait que trop souillé
L’abrupte évidence des nuits
Aux yeux gourds d’être trop mouillés.
Pourquoi ne veux-tu pas entendre ?
Laisse-donc là le feu dans l’âtre.
Irrigue de tes pleurs si tendres,
Ô sois de mes tourments le pâtre.
Je te conduirai aux cent sources
De la félicité soudaine.
Et là débutera la course
Et tu vaincras en lutte obscène.
Mais lui, repu de songes creux
Ne bougeait pas son âme veule.
Ne quittait pas du bout des yeux
Ce miroir où son âme seule
Perlait de ses anomalies
Et s’enfonçait en hécatombe
Dans les doux recoins de l’oubli
Pour se lover dans une tombe.
Auderghem, 2017